L'apprentissage est dur pour le Président Georges Weah
Le 10 / 07 / 2019
Le Président Georges Weah durant sa prestation de serment le 22 Janvier 2018. Saura-t-il reproduire en politique les exploits accomplis sur les terrains de foot ?
L’homme de la situation ?
Le Président Weah Georges jouit d’un immense capital de sympathie dans le monde, suscitant curiosité et admiration partout où il se déplace (même en Israël). Weah est décrit comme quelqu’un de fort sympathique, facile d’accès, généreux, courageux, proche des enfants. Après une brillante carrière dans les championnats européens, l’homme a réussi une reconversion toute aussi brillante « dans les affaires » aux USA, le pays de son épouse.
En dépit des qualités qu’on lui reconnait, Weah est aussi décrit aussi comme une personne dont la colère s’enflamme vite. Habitué à voir ses choix rapidement partagé par tous, il digère mal la contestation. Si son élection fut saluée comme le couronnement d’un parcours exceptionnel, il faut souligner que l’homme est totalement novice en politique. Son unique expérience dans ce domaine fut de se faire élire sénateur en 2014.
Ainsi tous les journalistes qui l’ont approché dans ses fonctions présidentielles indiquent qu’il semble tâtonner et bricoler. Est-il véritablement l’homme de la situation dans un pays en urgence économique comme le Libéria ?
La stabilisation du Dollar Libérien, une opération mal ficelée ?
Comme tous les pays africains non membre de la zone CFA, le Libéria utilise deux monnaies : le dollar américain et le dollar libérien sa monnaie officielle. Mais celle-ci perd constamment de la valeur, plongeant la population dans la misère au quotidien, car tous les prix flambent.
Quelques mois après sa prise de fonction, le Président Weah annonce l’injection de 25 millions de dollars américains dans l’économie (un peu moins de 15 milliards de FCFA), afin « d’éponger la liquidité excessive de dollar libérien », et ainsi stabiliser son cours pour redonner du pouvoir d’achat à la population. Mais le flou persiste sur cette le déroulé de l’opération, qui en outre a été totalement inutile car le dollar libérien a continué de se déprécier.
Pour certains économistes, cette opération a été totalement hasardeuse et coûteuse. Les fonds ont sans doute été puisés dans les maigres réserves de la banque centrale. Face aux interrogations de plus en plus pressantes relayées dans la presse, Weah a promis « pour bientôt » un rapport détaillé sur l’opération. Mais ce rapport tarde, ce qui alimente les spéculations sur la destination de ces fonds. Weah est accusé d'avoir dilapidé ces fonds, lui qui à sa prise de fonction avait proclamé haut et fort que les caisses étaient « vides » ( comme le Général Guei en son temps ).
Les conteneurs « disparus »
Le dollar libérien est imprimé en Europe comme la quasi-totalité des monnaies africaines. En Septembre 2018 dernier, on apprenait avec fracas la disparition de deux conteneurs de billets, contenant 15 milliards de dollar libériens. Un premier conteneur aurait disparu en Novembre 2017, et le second en Août 2018, donc sous l’administration de Weah. Une enquête fut diligentée et Weah promit de faire « toute la lumière ». Mais très vite ce fut la confusion.
Soupçonnés dès le départ, les officiels de l’ancien régime, dont l’un des fils de la Présidente Helen Sirleef, ont affirmé qu’il n’y avait aucune disparition. Tandis que le Ministre de la communication parlait bien d’un montant de 15 milliards de dollar libériens volatilisés, celui des Finances faisait état de « seulement 9 milliards » disparus. Puis ce fut au tour du gouverneur de la banque centrale de déclarer que les billets ont été « retrouvés » et sont désormais « dans les coffres ». Enfin un audit entrepris par un cabinet américain a conclu qu’il n’y avait jamais eu de disparition de billets de banque.
Désorientée, la population ne sait plus qui croire. Cette confusion au sommet a montré que Weah ne maîtrisait pas son monde. L’image de l’homme a pris un coup et la crédibilité du régime a été ternie. Pour certains, il y a toujours des « zones d’ombre ». Hormis sa première déclaration, Weah ne s’est plus prononcé sur la question.
« Complice » des criminels ?
Le Liberia a connu une longue période de conflit civil (1989-2003) marquée par beaucoup d’atrocités. La colistière de Weah Georges pendant l’élection, qui est maintenant Vice-présidente, fut la femme de celui qui déclencha le conflit. Si pendant la campagne, elle a pris soin de se démarquer de l’homme, aujourd’hui son entourage se compose de personnes qui furent proches de son mari (incarcéré pour crimes contre l’Humanité). Weah a aussi fait alliance avec un personnage controversé, un « chef de milice » pendant le conflit.
Toutes ces personnes sont de nouveau dans la place, n’éprouvent aucun remord et occupent des postes clés dans l’administration. La population exige qu’elles soient « jugées » pour les atrocités commises.
Weah met en avant la nécessité d’oublier, de pardonner, de se réconcilier, tout comme l’avait fait la présidence Helen Sirleef Johnson (2005-2017). Mais celle-ci avait pris soin d’écarter les personnes ayant joué un quelconque rôle dans le conflit, ce qui est impossible pour Georges Weah qui a été élu en parti grâce à ces hommes. Il est ainsi accusé de « complicité avec les criminels ».
Mais en fait ce sont les difficultés économiques qui rendent son discours de pardon inaudible. Le chômage et la pauvreté ne favorisent pas la réconciliation, mais plutôt cristallisent les lignes de fracture, au Liberia comme partout ailleurs. La véritable réponse à cette question reste donc économique. Il faut du travail aux jeunes.
Si le CV de Georges Weah comporte un Master en Management, l’homme continue toujours de s’exprimer dans un anglais fortement dialectisé. L’explication est simple. Georges Weah dans son enfance et son adolescence n’a pas suivi l’enseignement conventionnel, mais un enseignement dispensé en arabe (les structures coraniques), d’où il est sorti pour entamer sa carrière international.
Ceci a laissé des traces dans ses expressions, et plus globalement dans sa façon de faire. Le côté intellectuel n’ayant pas été vraiment développé, Weah Georges fait entièrement confiance à son instinct dans ses décisions. Il est difficile à convaincre par des arguments intellectuels, croit pouvoir tout faire par lui-même, et s’emporte quand on ne partage pas ses vues, les traits typiques des analphabètes parvenus à des postes de décision.
Weah a tout à apprendre dans ses fonctions de Président. Malheureusement il semble ne pas en être pleinement conscient. Le nouveau Président de la RDC a conservé des membres de l’équipe de son prédécesseur, et a publiquement reconnu que l’expérience de ce dernier lui sera utile. Georges Weah a fait table rase de l’administration précédente du jour au lendemain. Résultat, 17 mois après son installation, il y a toujours un flottement dans sa gouvernance.
Les manifestations de Juin
Le 07 Juin dernier, des milliers de Libériens ont convergé vers le centre-ville de Monrovia en scandant des appels à la démission du Président Georges Weah. Vue de l’extérieur, cette manifestation a surpris, car Weah jouit toujours d’un grand prestige à travers le monde. Et l’homme n’est en place que depuis 17 mois. On a naivement cru qu'il tenait bien les choses en main. Ce qui très loin de la réalité.
Au Liberia l’euphorie s’est dissipée depuis longtemps. Les Libériens « ne voient rien venir », et la situation économique s’est même détériorée depuis son élection, avec le pouvoir d’achat qui s’est totalement effondré. Le rêve est désormais évanoui et on s’interroge ouvertement sur la capacité de Weah à gouverner. Regroupés au sein du « Conseil des Patriotes », les organisateurs de la marche ont lu une déclaration devant les bureaux de la Vice –présidente, et donné « un mois » au Président Weah pour apporter des solutions aux revendications.
L’état de grâce est bien terminé. L’homme est désormais au pied du mur, et son inexpérience se révèle dramatique, elle apparaît dans toute son étendue. L’incompétence de son équipe à anticiper le mécontentement de la population donne raison à ceux qui ont affirmé que son administration n’est composée que de novices. Weah n’a pas su prendre la mesure et la profondeur des défis.
Pour beaucoup, il n’est pas outillé pour le job, et les évènements ont montré que le temps lui « manque » pour apprendre. Le scénario soudanais n’est pas à écarter. Aucune démocratie ne tient face à la misère dit-on. Que va-t-il se passer à l’expiration de l’ « ultimatum » ? Il est à craindre un durcissement du régime avec une répression plus forte des manifestations. Beaucoup pensent à une résurgence des violences du passé. L'heure est à l'inquiétude.
Dans une déclaration après ces évènements, le Président Weah a appelé la population à la patience, ajoutant que les discussions avec le FMI étant terminées, les décaissements vont bientôt intervenir. Tout ce qu’il y a de plus classique comme solution. La population se rend aujourd’hui compte qu’il n’y aura pas de miracle. Dans le fond, même si elle ne le formule pas en ces termes, elle reproche à Weah de lui avoir vendu du vent et des illusions.
Les options économiques à mettre en œuvre
Le Président Weah doit accélérer sur le plan économique pour éviter que les manifestations du type de celles du 07 Juin ne deviennent récurrentes et fragilisent son régime. Ce serait la porte ouverte à l’instabilité des institutions, avec des « gouvernements d’union nationale » dans lesquels son autorité serait contestée. Il doit aller vite, et pourquoi ne pas recycler les membres de l'ancien régime, plus expérimentés et plus compétents.
On ne combat efficacement la corruption qu’en privatisant. Partant de ce principe, le Président Weah devrait chercher à privatiser massivement et au plus vite, port, aéroport, électricité, téléphone, poste, actifs agricoles de l’Etat etc……Cela permettra d’attirer des capitaux. Le Liberia n’a pas les moyens d’entreprendre les investissements dans ces secteurs. Il faut recentrer les ressources ailleurs.
Le Président Weah peut aussi multiplier les zones franches dans le pays, des périmètres dans lesquelles il n’y a ni impôts ni taxes pour les entreprises. Les zones franches attirent toujours les investisseurs, surtout ceux du moyen orient. Une intéressante expérience a lieu en ce moment au Honduras, le pays le plus pauvre d’Amérique latine. Le Président Weah devrait y faire un tour. Il semble que les choses s’accélèrent dans ce pays.
Le président Weah doit aussi regarder vers l'agriculture vivrière. Les gouvernements africains la négligent car elle ne produit pas de devises. Mais elle permet de nourrir convenablement la population, ce qui est un problème en moins. En Afrique de l'Ouest hormis la CI, des pays comme le Burkina et le Bénin l'ont compris.
A moyen terme le Libéria peut aussi intégrer la zone CFA. Le CFA est stable quoi que l’on dise, ce qui garantit un certain pouvoir d’achat à la population. La zone CFA permet aussi la levée d’emprunts obligataires sur le marché régional, ce qui constitue des bouffées d’oxygène pour nos pays.
Enfin nous demandons au Président Weah de temporiser au niveau des mesures sociales. L’économie libérienne reste convalescente. Il ne faut pas annoncer des mesures fracassantes (université gratuite, terres aux paysans, soins gratuits etc…..) qui vont susciter l’espoir, mais être difficiles à financer. Il faut tenir un langage de vérité. Au fond de nous, nous avons tous de la sympathie pour ce courageux garçon, ce vaillant fils d'Afrique. Du fond du cœur, nous lui souhaitons tous de la réussite. Que Dieu le bénisse. oceanpremier4@gmail.com
an interesting text on a well known african president.
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