Mali : le colonel Assimi Goita sur les races du Général Robert Gueye (Guei Robert) ?
Regard vif, le Colonel Assimi Goita, dit ne pas être « venu pour s'éterniser » , mais veut remettre
les maliens « au travail ». Le putsch est '' salué '' de toutes part, les militaires ont été '' fêtés''
et le CNSP, le Comité National de Salut du Peuple, est le nouvel organe dirigeant. Vu depuis la CI,
Tout cela a un air de déjà entendu.
Des ressemblances frappantes
Quand on regarde ce qui se passe au Mali en ce moment, comment ne pas revivre les évènements qui se sont déroulés en CI à partir de la dernière semaine de Décembre 1999. Le Colonel Goita semble marcher dans les pas du Général Gueye, qui après avoir renversé le pouvoir en place, avait déclaré que la politique ne "l’intéressait pas", qu’il n’était venu que pour « balayer et partir ». Le putsch fut salué par toute la classe politique. Le général Guei avait mis sur pied le CNSP, le Comité National de Salut Public, l'organe censé conduire le pays aux élections. Une fête géante avait été organisée au stade FHB pour célébrer les militaires. Mais la suite fut un cauchemar.
Au Mali nous sommes exactement dans le même schéma. Le Colonel Assimi Goita dit ne pas être « venu pour s’éterniser », mais veut « remettre les maliens au Travail », car le pays « n'a plus droit à l'erreur ». Il a mis sur pied le CNSP, le comité national de salut du peuple, censé conduire le pays aux élections. Toute la classe politique salue ce putsch, et les officiers ont été fêtés sur la place de l'indépendance à Bamako. Tout comme le général Gueye il y a vingt ans, le colonel Goita convie toutes les « forces vives » à une grande concertation nationale sur la vie de la nation. Tout cela semble bien trop facile.
La nation malienne sort-elle gagnante de ce putsch ?
Vu de l'extérieur, les indicateurs économiques du Mali ne sont pas catastrophiques pour un pays en conflit. En 2017 il était classé par la BAD parmi les sept pays africains les plus performants. Depuis 2014 la croissance moyenne se situe autour de 5%, et la production cotonnière, la principale source de devises, atteint des records d'année en année, ainsi que celle de l’or. Si on se réfère à l’indice Mo Ibrahim de la bonne gouvernance en Afrique, le pays n'est pas dans les profondeurs du tableau, se classant 28ème sur 54 Etats en 2018. Il n'est pas aussi corrompu qu'on le dit. Le Mali lève régulièrement d'importantes sommes sur le marché sous-régional, et respecte les critères de l'UEMOA en matière d'endettement (le plus faible taux d'endettement de la zone), et de déficit. Sur le plan macroéconomique, le pays tient la route.
Les choses coincent au niveau des investissements, qui sont freinés par la situation sécuritaire. Pas d'investissements, alors pas d'emploi, donc plus de chômage et de précarité. A cela s'ajoute le fait qu’une guerre dans un pays s'accompagne toujours d'un relâchement de l'ordre, d'un recul de l'autorité de l'Etat. Le pays semble ne pas être dirigé, et la corruption semble être partout, ce qui alimente l’exaspération. Le problème de fond reste donc la situation sécuritaire. Tant qu'elle sera précaire, l'investissement (donc l’emploi) ne repartira pas.
Or le putsch en rajoute à la confusion, il va rendre les investissements encore plus rares. Il y aura encore plus de chômage et de pauvreté. Tout sera mis en suspens dans l'attente de la fin de la « transition ». Les militaires n'ont aucune expérience dans la gestion du pouvoir. Ils vont apprendre en tâtonnant, et les maigres ressources du pays en feront les frais. Si les pays de la CEDEAO maintiennent la fermeture des frontières, comme cela semble se dessiner, le pays sera très vite asphyxié, ce sera alors le règne de la contrebande.
Sur le plan politique, il faut s'attendre à des « palabres » dans la constitution du gouvernement. Les acteurs politiques ne s’entendaient que sur le départ d’IBK. Ils se feront maintenant face. Un gouvernement de transition est toujours tiraillé entre plusieurs sensibilités, ce qui limite son efficacité. Il y a aussi le risque que le Colonel Goita « prenne goût » à la fonction présidentielle et manœuvre pour demeurer dans la place, ce qui sera dangereux pour la démocratie.
Enfin sur le plan militaire, on ne voit pas ce que les nouvelles autorités feront de différent. IBK était certes le chef des armées, mais ne se mêlait pas de stratégie. Ce domaine relevait de l’armée, qui s'est toujours montrée incapable d'enrayer le cycle des attaques. Le Colonel Goita va certainement la réorganiser en mettant ses hommes aux postes clés. Pas sûr que cela suffise à modifier la donne sur le terrain. En tant que patron des forces spéciales, il est comptable du bilan actuel. Il y a en ce moment un flottement dans le commandement, comme au lendemain de tout putsch, ce qui peut s’avérer dangereux si les djihadistes passent à l’offensive comme ce fut le cas après le coup d'Etat de 2012.
Pour résumer, on ne voit pas quel miracle pourront accomplir les nouvelles autorités, et avec quels moyens. Tout comme celui de 2012, on ne voit pas la valeur ajoutée que ce putsch apporte à la vie du pays, sur le triple plan politique, économique, et militaire. Le départ d’IBK (tout comme celui d’ATT en 2012) donne le sentiment d’un nouveau départ aux Maliens, c'est compréhensible. Mais les vraies questions demeurent. Autant IBK n'était pas un magicien, autant les nouveaux visages ne pourront pas l'être.
Le manque d'engagement : La faiblesse structurelle de l’armée malienne
Lorsque le conflit a commencé au Mali en 2012, les Touaregs (il ne s'agissait pas encore de djihadistes) étaient contenus par l'armée dans l'extrême Nord, à la frontière algérienne. Après la bataille de la ville d'Aguelhok, les Touaregs ont postés sur Facebook l’exécution des soldats maliens capturés. Le choc fut immense, l'opinion public rejeta cette situation sur le président ATT, qu'on disait faible et « complice » des Touaregs. Des marches de protestation furent organisées.
L’armée renversa alors le président ATT. Dans les jours qui ont suivi, les Touaregs sont passés à l’offensive pour conquérir tout le Nord du mali, le nouvel homme fort, le capitaine Amadou Haya Sanogo (aujourd'hui en prison) fut incapable d'opposer la moindre résistance. Les villes tombaient les unes à la suite des autres. Puis les Touaregs du MNLA (Mouvement National de Libération de l'Azawad) ont stoppé leur offensive, car disaient-ils, « tout le territoire de l'Azawad avait été libéré ». Ils ont ensuite proclamé leur indépendance. Il faut noter qu’ils auraient pu atteindre Bamako.
Quel fut l'utilité de ce Coup d'Etat de 2012 ? Tout le Nord et le Centre-Nord échappait désormais au contrôle de Bamako. La situation militaire avait empiré, et le capitaine Sanogo, l’homme responsable de la débâcle, prétendait avoir « sauvé la patrie », et manifestait clairement l’intention de demeurer à la tête du pays, mettant ainsi la démocratie malienne entre parenthèse. Il a fallu les pressions de la CEDEAO pour le mettre sur la touche. Mais le pire était à venir pour le pays.
En 2013, alors qu’à Bamako une transition avait été mise en place, le MNLA perdait le contrôle du Nord au profit des groupes tels qu’Ansar Dine, le Mujao, Al Qaeda en Afrique de l'Ouest. Ces groupes ont déclenché une offensive sur Bamako. L'armée malienne était en « décomposition ». Depuis le Tchad, l’aviation française est alors intervenue pour bombarder les colonnes de pick-up qui fonçaient sur Bamako, ce qui stoppa net l’offensive djihadiste. Si la République du Mali existe encore aujourd'hui, elle le doit à cette intervention. Autrement le Mali serait devenu, une Somalie au cœur de l'Afrique de l'Ouest.
Il faut noter qu'avant l'intervention française, la guerre n'était pas asymétrique. L'armée malienne faisait face à un ennemi bien visible, qui avançait ouvertement sur la capitale. Il ne s’agissait pas d’embuscades ou d'attaques de convois. La guerre était conventionnelle. Elle est devenue asymétrique avec l'arrivée des troupes françaises, celles de la Minusma, et celles du G-5 Sahel (les Tchadiens notamment). Devant cette puissance de feu, les djihadistes se sont alors disséminés dans la nature, pour procéder désormais par embuscades.
Or lorsque la guerre était conventionnelle, que ce soit contre les Touaregs, ou contre les groupes djihadistes, l'armée malienne a toujours reculé. En face l'ennemi n'était pas supérieurement armé, ni en supériorité numérique, mais il était supérieurement motivé. Et cela faisait une cruciale différence. L'armée malienne n'a pas « le cœur à la tâche ». Il y a toujours eu ce manque d'engagement, et selon les spécialistes, c'est sa principale faiblesse. L'armée tchadienne par exemple, compense la faiblesse de ses moyens par un très fort engagement de ses soldats.
La démarche inacceptable de l’imam Mahmoud Dicko
Les marches au Mali ont débuté à l’instigation de l’imam Mahmoud Dicko. Il était à la tête de la structure regroupant les imams du pays, l'équivalent du COSIM en CI, le Conseil Supérieur des Imams. Ses prêches réunissaient des dizaines de milliers de fidèles. C’étaient de véritables démonstrations de force. Peu à peu, les sermons sont devenus politiques, l'homme a commencé à réclamer le départ de « tous ceux qui ont trahi le peuple malien ».
Le Président IBK aurait dû à ce moment « taper dur » pour le remettre dans sa coquille. Sa faiblesse est aussi à condamner. Jamais il n'a montré de fermeté , ni mis en garde les organisateurs des marches, l'imam Dicko en tête. Gouverner c'est exercer l’autorité. Appeler à la démission alors que les institutions du pays fonctionnent et sont légitimes, c’est appeler implicitement à l’insurrection. La fermeté s'impose, même si on a affaire à des religieux, qui en principe sont tenus à un devoir de réserve dans le débat politique.
L’imam Dicko a exigé et obtenu la démission du Premier Ministre Boubeye Maïga en 2019. Après avoir quitté la présidence de la coordination des Imams, il a créé son propre mouvement pour disait-il « poursuivre la lutte pour sauver le peuple malien ». La suite est connue. Il a désormais exigé le départ du Président IBK, rassemblant derrière lui ses dizaines de milliers de partisans, auxquels s'est jointe toute l'opposition malienne, qui s'est engouffrée dans la brèche.
Après un premier mandat en 2013, IBK a été élu pour un second mandat en 2018. Les élections ont toujours été certifiées justes et libres par l'UE, l'UA, la CEDEAO, le Centre Carter, la Francophonie, les ONG maliennes etc…. L'homme n'était pas un dictateur. Si un président n'a pas le droit de terminer son mandat au motif qu'il a « échoué », alors quelle est l'utilité des élections ?
Il est certain qu'en ce moment les oppositions africaines rêvent de reproduire le scénario malien. C'est un dangereux raccourci vers le pouvoir. Ce scénario débouche toujours sur l’instabilité, un coup d'Etat en appelle toujours un autre. Le Mali n'en a pas fini avec l'instabilité de ses institutions suite à ce putsch.
Le colonel Assimi Goita : Une future candidature comme le Général Robert Gueye ?
C'est un nouvel acteur qui a pris pied sur l'échiquier politique, et il ne pourra plus retourner dans l'anonymat. Le prochain Président malien qui sera élu au terme de la transition, devra le neutraliser d'une manière ou d'une autre, parce qu'il ne pourra pas sereinement gouverner le pays si le Colonel Goita est toujours dans la place.
La démocratie malienne ne va reprendre ses droits qu'à la faveur de nouvelles élections, à condition bien entendu que l'homme fort actuel veuille bien laisser le pouvoir et s'en aller, ce qui n'est pas évident. Il n'est pas exclu qu’il « prenne goût » et tente de s’enraciner, ce qui mettra la démocratie Malienne en grand danger. Selon la presse, l'homme est très organisé et déterminé, preuve peut-être qu’il sera plus difficile de le mettre sur la touche que le capitaine Sanogo, l'auteur du putsch de 2012. Une transition de trois ans (!!!) dirigée par des militaires a été évoquée dans un premier temps avant d'être « démentie» par le porte-parole de la junte.
Un putsch débouche rarement sur des perspectives heureuses pour une nation. L'expérience l'a montré. Les maliens croient être tirés d’affaire avec le départ forcé d’IBK, mais il semble au contraire qu’ils viennent d'y entrer. Avec ce putsch du 18 Août dernier, la démocratie de ce pays accuse un recul, après avoir été une référence dans les années 90 et 2000. oceanpremier4@gmail.com
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