Comment Wave fausse la concurrence
Wave a-t-elle fait entrer le secteur du mobile money en Côte d'Ivoire dans un mauvais rêve ?
La venue de Wave sur le segment du mobile money s'est traduite par une baisse des frais de transactions qui sont passés à 1 % aujourd'hui. Cette réduction des coûts a été évidemment saluée par les populations. Mais des effets collatéraux sont intervenus. Le fait de voir l'insigne au pingouin partout ne doit pas donner à penser que Wave a crée « beaucoup d'emplois » et rendu le secteur du mobile money beaucoup plus dynamique. Car c'est exactement l'inverse qui s'est produit. L'irruption de Wave a rendu précaires les emplois chez les intermédiaires, et le chiffre d'affaires global du secteur a accusé un recul net, les données publiées par l'ARTCI sur le second semestre 2021 peuvent être consultées à cet effet.
Certes le marché du mobile money, c'est-à-dire le nombre de personnes ayant effectué une transaction, a augmenté de 3,2% sur la période. Cette légère hausse n'est pas à imputer à la baisse des coûts initiée par Wave, car les individus ne se sont pas subitement mis à faire plus de transferts parce que les coûts ont baissé. La hausse du nombre d'abonnés est simplement dû à la croissance globale de l'économie ivoirienne, laquelle crée des emplois. Ce sont ces nouveaux emplois qui entretiennent la hausse actuelle du nombre de transferts. Si on isolait statistiquement l'impact de Wave sur cette hausse, les chiffres montreraient un impact quasi nul. Wave n' a pas modifié le comportement des individus en ce qui concerne les transferts.
A côté de cela, une autre préoccupation mérite d'être mise sur la table. Les trois opérateurs présents avant Wave dans le secteur du mobile money, sont d'abord des opérateurs de téléphonie mobile. Il leur a fallu réaliser un certain nombre d'investissements dans les infrastructures. Le transfert d'argent est un service proposé à leurs abonnés dans le prolongement de leur métier historique. Wave est une plate-forme, un peu comme WhatsApp, qui vient se greffer sur des infrastructures déjà
Il aurait fallu imposer à Wave le chemin suivi par ses concurrents, c'est-à-dire opérer d'abord dans la téléphonie mobile, avant de se lancer dans le secteur du mobile money. Elle aurait alors été obligée de bâtir ses propres infrastructures. Il n'est pas sûr qu'elle aurait proposé le tarif actuel à ses abonnés, parce que la structure de ses coûts auraient été radicalement différente de celle qu'elle est aujourd'hui. La concurrence est une bonne chose pour toute économie à condition qu'elle soit saine, ce qui ne semble manifestement pas être le cas avec Wave.
On a tous assisté à la grève des taxis compteurs l'année dernière, qui entendaient protester contre le déploiement de l'application UBER à Abidjan, laquelle propose un service similaire sans en supporter les contraintes et les charges ( Patente, carte de stationnement, licence d'exploitation, visite technique bi-annuelle etc...). Normal dans ce cas qu'elle pratique des tarifs pratiqués attractifs. On peut de nouveau citer cette boulangerie du côté de Koumassi en 2007, qui vendait la baguette de pain à 100 francs grâce à un équipement entièrement robotisé. Les autorités lui ont finalement ordonné de relever ses prix à 150 francs, le tarif de 100 francs n'étant pas viable pour l'ensemble du secteur.
Nos autorités ont certes le devoir de protéger les consommateurs, mais elles doivent veiller à ce que les prix ne soient pas une menace pour nos entreprises. Une entreprise vigoureuse étend ses activités, se diversifie, tire derrière elle ses sous-traitants et ses fournisseurs, paie davantage de taxes. Tout cela se traduit par l'emploi, par un dynamisme de l'économie. La vitalité économique d'un pays se mesure à la vitalité de ses entreprises. Aujourd'hui le secteur du mobile money est assez fragilisé. Ce n'est pas avec des entreprises moribondes qu'on va atteindre l'émergence.
Douglas Mountain
Le Cercle des Réflexions Libérales
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