Le Président a-t-il ou non le droit d'être candidat ?
Le
Président Ouattara lors de son allocution le 31 Décembre 2019. L’homme reste
salué pour ses performances économiques, mais décrié sur le plan des libertés
politiques et individuelles. Après bientôt deux mandats, il estime avoir le droit de se représenter
à nouveau ………..…………..Hum Hum
Pour la présidentielle de
2020, le brouillard ne s’est pas encore
dissipé sur les candidatures. Il faudra attendre les congrès des différends
partis, et le contenu de la modification constitutionnelle annoncée cette année. Celle-ci pourrait
influer le profil des candidats. A ce jour l’ex-président de l’Assemblée Nationale
reste le seul à avoir formellement annoncé sa candidature. Mais rien à ce stade
ne dit qu’elle sera retenue.
Bien sûr c’est le Président
de la république qui focalise l’attention. La nation retient son souffle. Va-t-il
se représenter ? L’homme dit en avoir droit, car la nouvelle constitution
adoptée en 2016 (en cours
de second mandat), lui octroie la possibilité de faire deux autres mandats. Beaucoup ne sont
pas de cet avis.
Le Président de la
République est-il revenu sa parole ?
Peu après sa réélection en
2015, le président avait laissé clairement
entendre que ce mandat serait le dernier, affirmant « qu’après plus de 50 ans de vie
professionnelle, il était temps pour lui de se retirer ». Des personnalités de son cercle intime telles
que le ministre Bacongo, et Amadou Soumahoro l’actuel Président de l’Assemblé
Nationale, à l’époque ministre et SG du parti présidentiel, martelaient dans les médias que le Président céderait
le pouvoir au terme de son second mandat.
Ces déclarations ont « étouffé dans l’œuf » le débat sur
un éventuel troisième mandat. Le principe même du débat ne se posait plus, dès
lors que le président avait catégoriquement écarté la perspective d’aller
au-delà de ses deux mandats constitutionnels. Personne n’a songé un instant que
la question du troisième mandat pouvait faire surface un jour.
Après l’adoption de la
nouvelle constitution en Décembre 2016,
les partisans du troisième mandat ont commencé à se signaler. Le
président se montrait moins catégorique, plus ambigu sur le sujet. Puis en Novembre 2017, interrogé par un média français, il déroula
cette argumentation qui restera constante : « la constitution m’offre la
possibilité de faire deux autres mandats, mais je n’ai pas encore pris ma
décision ».
En politique la parole donnée est fluctuante, fonction du contexte. En aucun cas elle ne doit être tenue pour acquise, ici comme ailleurs. En Gambie le président Adama Barrow avait promis de rendre le pouvoir juste après trois ans. Des manifestations massives ont eu lieu pour lui rappeler cette promesse. Mais l'homme désire terminer entièrement son mandat (5 ans), et se représenter. Il n'est pas le seul. Les exemples sont nombreux. Comme on le dit en politique, les promesses n'engagent que ceux qui les croient.
En politique la parole donnée est fluctuante, fonction du contexte. En aucun cas elle ne doit être tenue pour acquise, ici comme ailleurs. En Gambie le président Adama Barrow avait promis de rendre le pouvoir juste après trois ans. Des manifestations massives ont eu lieu pour lui rappeler cette promesse. Mais l'homme désire terminer entièrement son mandat (5 ans), et se représenter. Il n'est pas le seul. Les exemples sont nombreux. Comme on le dit en politique, les promesses n'engagent que ceux qui les croient.
La responsabilité des juristes dans la confusion actuelle
Au Sénégal ce problème s’est
posé. Le président Abdoulaye Wade avait décidé de se représenter pour une troisième
fois alors que la nouvelle constitution adoptée au cours de son premier mandat, limitait à deux
le nombre de mandats. Pour lui, ce premier mandat ne devait pas être pris en
compte.
Au Burundi le scénario fut le même. Le premier mandat du président N’Kurunziza résultait des accords politiques, l’homme fut désigné par le parlement et non élu au suffrage universel. Il fut formellement élu en 2010 au suffrage universel. En 2015, l’homme se présenta à nouveau car il estimait que le premier mandat ne devait pas être pris en compte. Ces candidatures ont donné lieu à des crises dans les deux pays.
Ces cas de figure auraient dû alerter les juristes qui rédigeaient la nouvelle constitution ivoirienne. Le Président avait certes donné les « assurances ». Mais ne fallait-il pas néanmoins tenir compte de ces deux scénarios dans la rédaction de l’article sur la limitation des mandats ? Au Burkina la nouvelle constitution stipule qu’aucun individu ne peut exercer plus de deux mandats dans sa vie, ni de façon continue, ni par intermittence. Cette constitution fut adoptée avant celle de la CI. Elle aurait dû « donner des idées » à nos juristes.
Aujourd’hui certains d’entre eux joignent leurs voix à l’opposition pour réclamer que le président ne se représente pas. Ils mettent en avant le fait que les dispositions sur la limitation des mandats et leur durée ont été reprises à l’identique dans la nouvelle constitution, aussi il y a une continuité législative selon l’article 183. Les compteurs ne sont donc pas remis à zéro pour les mandats déjà effectués.
Les partisans du troisième mandat affirment au contraire que rien dans les articles 35 et 183 de la nouvelle constitution n’établit clairement que les mandats précédents doivent être pris en compte. Une nouvelle constitution consacre toujours le passage d’une République à une autre. On repart donc de zéro.
On peut faire l’analyse
suivante : si l’on s’en tient à la lettre de la constitution de 2016, rien dans les articles 35 et 183 n’indique qu’il faille prendre en compte les mandats antérieurs. Mais si l’on
tient compte du contexte dans lequel fut rédigée cette constitution, si l’on
tient compte de « l’esprit de la loi » comme on le dit, alors le caractère rétroactif de l'article 35 est évident, le président a épuisé
ses deux mandats. Il reviendra à la Cour Constitutionnelle ( si elle est saisie) de trancher. Mais on
la voit difficilement faire obstacle président, au cas où l’homme décide d’être candidat .
Comme une lettre à la
poste
Question : lorsqu’il soumettait la nouvelle constitution au référendum en 2016, le président de la République avait-il dans un coin de la tête l’intention de garder ouverte la porte d’un troisième mandat ? Ou cette constitution visait-elle seulement la modernisation des institutions, comme il l’a martelé ?
En Guinée Conakry, l’opposition organise régulièrement des manifestations massives contre le projet de nouvelle constitution. Elle soupçonne le Président Alpha Condé de « manœuvrer » pour remettre les compteurs à zéro et briguer un troisième mandat. L’homme a toujours été ambigu sur la question du troisième mandat.
En CI le président semble avoir anticipé en affirmant dès sa réélection, que le second mandat
serait le dernier. Ceci a permis à la nouvelle constitution de passer comme une lettre à la poste. Le troisième mandat était-il le but
de la nouvelle constitution ? Le Président a-t-il été tout simplement « malin » ?
Le coup de poker
La nouvelle constitution aura permis des développements à l'avantage du président. En premier lieu, le poste de vice-présidence lui a permis de mettre sur la touche ses alliés du rhdp. Duncan gagnait certes en promotion, en devenant le second personnage de l’Etat. Mais le vice-président n’a aucun pouvoir sur l’élaboration et la conduite de la politique gouvernementale. Il est écarté.
Deuxième point, le président
a mis sur orbite comme premier ministre son
homme de confiance et potentiel successeur. Ce poste positionne l’homme au cœur
de l’action, et le prépare éventuellement à la succession, qui devient ainsi
une question désormais réglée.
Enfin troisième point, la
nouvelle constitution de 2016 a permis au président de laisser ouverte la porte
d’un troisième, voir un quatrième mandat. Avec le recul, on se rend compte que la nouvelle constitution a permis au président de réaliser un véritable coup de poker, en « faisant sortir plusieurs lapins de son chapeau ». Personne n’a vu venir, la nation
toute entière semble avoir été endormie.
Une chose reste certaine
cependant, la limitation des mandats est une question désormais
incontournable en Afrique. Les nouvelles constitutions qui seront élaborées vont
s’attaquer à la question de la remise
des compteurs à zéro par le changement de constitution. Ce mouvement est
une lame de fond, il est irréversible en Afrique. La Côte d’ivoire aussi
passera par-là, cela reste inévitable.
Douglas Mountain
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