Le Président Ouattara : comment partir tout en '' restant '' ?
Le Premier Ministre AGC et son patron au Palais présidentiel suite à un conseil des ministres. Comment vont évoluer leurs relations en cas d’élection d’AGC ? L’un et l’autre ont certainement dans un coin de la tête ce qui s’est passé en Angola et en Mauritanie.
Amadou
Gon Coulibaly (AGC) bientôt sans
adversaires ?
Le 05 Mars 2020, le
président Ouattara s’adressant aux députés et sénateurs, créait la
surprise en annonçant qu’il ne briguerait pas un troisième mandat. Vu l’étonnement
de ses proches, peu de personnes
devaient être dans la confidence. Le 12 Mars, le PM AGC est désigné candidat du parti unifié RHDP. Depuis lors le Président manœuvre sans
toutefois se mettre au premier plan, pour dégager le chemin du PM.
Le nouveau code électoral
stipule que le futur président doit avoir exclusivement la nationalité ivoirienne,
une disposition qui écarte Tidjane Thiam, qui a la double nationalité
ivoirienne et française.
Après avoir longtemps
hésité, le Président vient de limoger Mabri Toikeusse du gouvernement. L’homme
contestait le choix de AGC comme le candidat du RHDP aux présidentielles, même
si ces derniers temps il disait avoir « pris acte » de cette désignation. Il se murmure que la justice prépare un
dossier contre lui. Déjà il doit faire face à une plainte pour escroquerie.
L’ex-PAN Soro Guillaume vient d’écoper d’une peine de vingt
années de prison, qui l’écarte de la
présidentielle. L’homme clame qu’il sera
bel et bien candidat. Cela risque d’être juste impossible.
Le nouveau code électoral ne contient pas la fameuse limite d’âge qui aurait
exclu le président Bédié. Mais la presse fait état que l’homme serait lui aussi dans le viseur de
la justice. Son nom est cité dans les
enregistrements attribués à Soro Kigbafori et diffusés en fin d’année
dernière. Une procédure serait en
préparation.
Tout semble se mettre en
œuvre pour écarter les concurrents
les plus sérieux. C’est une démarche « humainement »
compréhensible de la part du Président, même s’il clame que les élections seront
« ouvertes à tous, transparentes, libres
et démocratiques ». Le problème est
qu’il se dégage un parfum étrange de toute l’activité qu’il déploie en coulisses.
On a la nette impression qu’il ne
partira pas ‘’ vraiment ‘’. On ne le sent pas sur le départ.
Regrette-t-il l’annonce du
10 Mars ? La nouvelle constitution
ne fermait pas la porte à un troisième
mandat. Voulait-il contraindre le Président Bédié à se retirer lui aussi ?
Il ne peut plus faire machine –arrière. La question qui se pose aujourd’hui est
de savoir s’il laissera des candidats de poids affronter AGC. D’autre part en
cas d’élection, ce dernier pourra-t-il
être ‘’ pleinement président ‘’ ?
AGC reste écrasé par la
présence de son patron, nous l’avons plusieurs fois souligné. Il est inhibé. Il
est dépourvu d’agressivité. On peut être loyal sans perdre son indépendance. AGC n’a jamais pu faire ce pas. Pourra-t-il s’affranchir
une fois aux commandes ? Cela
semble peu probable.
La
Mauritanie et l’Angola
Ce qui se déroule dans ces deux pays est suivi avec crainte
par les présidents africains qui
envisagent de se retirer.
En Angola le président Dos Santos après 38
au pouvoir, passe le flambeau à Joao Laurenço en 2017,
longtemps son fidèle et loyal ministre de la défense. Mais aussitôt installé,
celui-ci limoge les enfants de l’ex-président, traduit en justice son fils
ainé, sa fille aîné ayant eu le temps de fuir. Il récupère la direction du parti,
une fonction dévolue au Président Dos Santos
pour un certain temps. Celui-ci vit désormais en exil en Espagne. La levée de son
immunité d’ancien président est envisagée.
Toute l’Afrique est étonnée.
En Mauritanie en 2019, après
onze ans au pouvoir, le président Mohamed Ould Abdel Aziz passe le flambeau à son fidèle compagnon, le général Mohamed Ould Ghazouni, ministre de la défense. Une
complicité de trente ans les liait. Mais une fois en place, le nouveau
président entreprend un audit de la
gestion de son prédécesseur, limoge et arrête
plusieurs responsables. Il récupère le
parti, alors que l’ex-président aura dû en conserver la direction, et contraint
l’homme presque à l’exil.
Toute l’Afrique est dépassée.
On a du mal à comprendre comment ces deux présidents ont été « rayés de la
carte » aussi facilement par ceux-là même qu’ils ont porté au pouvoir, des
personnes qui leur devait reconnaissance toute leur vie.
A y regarder de plus près, les
nouveaux présidents se sont certainement rendu compte qu’ils ne pourraient jamais
gouverner s’ils ne tranchaient pas la question. Ils ont pris de vitesse leur
mentor pour ne pas leur laisser le temps d’organiser un ‘’complot interne ‘’. Certains
les accuseront de manque de reconnaissance. Mais aujourd’hui ils peuvent gouverner
librement.
Gon Coulibaly va-t-il leur emboîter
le pas une fois aux commandes ? D’une manière ou d’une autre il devra aussi ‘’
trancher la question’’, ou alors sa présidence sera tout simplement le ‘’ troisième mandat ’’ du Président Ouattara.
Ce dernier a vu le sort des présidents Dos Santos et Ould Abdel Aziz. Sans doute
prendra-t-il les dispositions pour éviter une telle humiliation. Tout président
africain qui désire désormais se retirer tiendra compte de ce qui s’est passé
en Angola et en Mauritanie.
Bilan
du Président Ouattara après deux mandats
Sur le papier, le président
Ouattara achèvera le 31 Octobre son second mandat. Ne perdons pas de vue que l’homme a aussi dirigé
le pays d’Avril 1990 à Décembre 1993, en tant que président d’un comité de
stabilisation (Avril-Novembre 90), puis
en tant que Premier Ministre (Novembre
90 – Décembre 93). Que retenir ?
De 1990 à 1993 il stabilise
un pays financièrement étranglé, au bord de l’explosion sociale. De 2011 à 2020, au terme de deux mandats,
l’économie ivoirienne retrouve son dynamisme après dix ans de crises multiples.
Mais il serait excessif de parler de miracle,
même si un travail impressionnant a été entrepris dans les infrastructures, la santé, l’eau, l’électricité, l’éducation, les pistes rurales etc……..Nous sommes loin du miracle.
Beaucoup de choses restent à
corriger. L’homme a clairement montré
certaines limites. La corruption reste importante, et la pauvreté a significativement
gagné du terrain. Le chômage des jeunes
est devenu une tragédie silencieuse, malgré
les solutions artificielles mises en œuvre à grand renfort de communication. Le remboursement de la dette est une bombe à
retardement. Le programme
social (le fameux PS-Gouv) sur lequel le gouvernement a beaucoup communiqué, est né d’un
constat d’échec sur le niveau de vie des populations.
Car la croissance
concerne surtout les indicateurs. Elle n’a pas vraiment atteint les
ménages. Dans un tel contexte de précarité, comment expliquer les
déguerpissements massifs de commerçants dans nos communes ? Pourquoi détruire
les emplois qui se créent ?
Sous les apparences d’une
démocratie, le régime tient le pays d’une main de fer. Les libertés sont sous une pression
constante. Les nominations à caractère régional sont légions (une vieille plaie des régimes en Afrique ) , les principaux
marchés de l’Etat reviennent à deux ou trois entités aux mains des proches du régime, les
ministres sont presque tous députés-maires, ou présidents de conseils
régionaux, bref comme le dit une expression du langage populaire
ivoirien, « les kpakis sont partagés ».
Certes il ne serait pas juste de tout mettre sur le
dos du régime actuel. Les régimes
précédents ont leur part de responsabilité et certaines habitudes ne datent pas d'aujourd'hui. Cependant l’intégrité, la rigueur, le
« génie » du Président Ouattara ont tellement été mis en avant, qu’on
était en droit d’attendre des choses différentes dans la gouvernance. Ce qui ne fut pas toujours le cas.
Les compétences de l’homme sont
indéniables et font l’unanimité. Sa connaissance des circuits de financements
internationaux, ses vues sur l’économie,
lui ont permis d’accélérer la mise en œuvre des projets structurants. Son
« génie » s’arrête là. Après
deux mandats on peut le dire, il n’est ni un surhomme, ni un demi-dieu, ni un
génie, ni un être hors du commun etc…. Il a réussi sur certains points, et
échoué sur d’autres.
Au tout début des années
2000, il avait promis s’il était élu, faire de la CI la seconde économie africaine
derrière l’Afrique du Sud. Nous en sommes encore loin. Est-il le « meilleur d’entre nous »
comme le dirait le Président Chirac ? Une question qui déchaînera les passions. Détesté, adulé, le président
Ouattara a toujours été une personnalité clivante pour les Ivoiriens. Va-t-il ‘’ vraiment ‘’ se retirer le 31 Octobre ? oceanpremier4@gmail.com
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