Guerre des tarifs dans le mobile money : un effet dévastateur sur l' emploi des jeunes et sur la croissance ?
Abidjan le 01 décembre 2021
Cette baisse saluée par tous, a tout de suite entraîné un effet collatéral, la baisse des marges des intermédiaires au niveau de toutes ces petites structures de mobile money que l’on trouve au coin des rues. Dans une première déclaration dans le mois d’Octobre, le bureau de leur coordination avait lancé un appel à l’Etat en vue de la baisse des charges fiscales qui pèsent sur leur secteur, au risque de voir 22 000 emplois disparaître, rien que dans la ville d’Abidjan. Les autorités n’ont pas encore réagi.
C’est dans ce contexte que le 28 Novembre dernier, un article de presse
annonçait que l’opérateur Orange adoptait désormais la gratuité à la fois pour
les dépôts et les retraits ( https://www.linfodrome.com/economie/72330-cote-d-ivoire-face-a-la-rude-concurrence-de-wave-orange-adopte-la-politique-de-la-gratuite )
. Si cela s’avérait exact, les trois autres opérateurs n’auront pas d’autres
choix que de plus ou moins s’aligner sur cette nouvelle donne. A
terme cela signifierait désormais des marges quasi nulles pour les
intermédiaires dans les transactions de mobile money. Certes les
consommateurs "gagnent", mais avec des marges qui seront en
deçà d'un seuil critique, les emplois ne pourront plus exister au niveau
de ceux que l'on peut appeler les "détaillants". Par voie de
conséquence, il sera beaucoup plus difficile de trouver une échoppe de mobile
money dans nos coins de rues. Seules les échoppes qui font les transferts
internationaux pourront maintenir leurs activités.
Si nous observons une baisse du prix des transports, alors les gens vont se
déplacer de plus en plus. Si nous observons une baisse du prix des
aliments, les gens vont consommer de plus en plus ces aliments. Mais peut-on
vraiment affirmer que les individus vont davantage faire des transferts ou des
dépôts parce que les coûts auront baissé ? Pas si sûr. Globalement, il n’est
absolument pas certain que nous aurons une hausse du nombre de transferts parce
que les coûts seront passés à 1% voire moins. Les individus vont simplement
passer d’un opérateur à un autre, sans pour autant que le volume de leurs
transactions ne croisse. En d'autres termes, nous n’aurons pas une
croissance de l’activité suite à la baisse généralisée des coûts des
transferts.
Pire, ce « combat à mort » entre Orange et Wave risque de laisser sur le carreau les opérateurs qui n’ auront pas suffisamment les reins solides. Ces opérateurs ( que nous préférons ne pas citer ) risquent tout simplement de sortir du mobile money parce qu'elle ne sera plus rentable. Nous n'aurons peut être plus que deux opérateurs dans ce secteur, et cela ne se fera pas sans "casse" au niveau de l’emploi chez les opérateurs qui ne pourront pas supporter la cadence, ces pertes d’emplois qui vont s’ajouter au 22 000 qui auront déjà frappé les intermédiaires, ceux qui effectuent les services au coin de nos rues.
Nos entreprises opérant dan le mobile money
seront feintés dans leur expansion, un état
de fait qui peut avoir des conséquences sur la croissance globale de l’économie. Après l'euphorie
suite à la venue de l'opérateur Wave, la question suivante se pose : l’économie
ivoirienne sort-elle vraiment gagnante de cette guerre des tarifs ? Au regard
de toutes ces conséquences potentielles, la venue de l’opérateur Wave est-elle
vraiment une bénédiction pour l’économie ivoirienne ?
Wave dit avoir offert " 20 000 " emplois aux
jeunes dans le cadre du lancement de ses activités. Cependant quand on aperçoit ces jeunes sillonnés nos rues, ils
ont l'aspect si démunis, qu'on est amené à se demander s'il s'agit bel
et bien de véritables emplois.
Il appartient aux autorités de réagir et d'anticiper.
Il faut encadrer cette dérégulation des prix. Il faut réfléchir à des
« prix planchers », afin que les marges puissent garantir l’emploi,
et même garantir une concurrence saine dans le secteur du mobile money. Aujourd’hui cette baisse des
tarifs est vue par tous comme une "bonne chose" dans le cadre de la
lutte contre la cherté de la vie. Mais avec une hausse du chômage comme
effet collatéral, on ne peut pas vraiment dire que cette baisse fait du "
bien " à la population et à l'économie sur toute la ligne.
Douglas Mountain
Le Cercle des Réflexions Libérales
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