Quelles sont les options politiques de Soro Guillaume ?

 

Abidjan le 07 Mai 2024

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Soro Guillaume et Alassane Ouattara lors de la crise post électorale de 2010-2011. 

La complicité a-t-elle seulement existé une seule fois entre ces deux hommes ? 



Le 22 Février des personnalités civiles et militaires étaient graciées, entre autres le général Dogbo Blé, commandant des troupes gouvernementales lors de la crise postélectorale de 2010-2011, et des personnes proches de Soro Guillaume, condamnées pour des infractions portant sur une « atteinte à la sûreté de l’Etat ». Ce dernier a appelé le président Ouattara pour le « remercier », puis l'a fait savoir par une publication sur son compte twitter. La presse s’est aussitôt emballée pour parler de réconciliation, et de son retour en Côte d’Ivoire. 

Pourtant il semble bien que cette réconciliation devra encore attendre. Ni la présidence, ni le parti au pouvoir n’ont officiellement commenté la chose, signe qu'elle n'a pas l’ampleur que lui accorde les médias. En fait les contentieux sont lourds. Pour rappel, la constitution de 2016 ne prévoyant que deux mandats présidentiels, Soro Guillaume, président de l’Assemblée Nationale (PAN) depuis 2012, se voyait volontiers candidat du parti au pouvoir en 2020. 

Or le choix du président Ouattara s’était porté sur Amadou Gon Coulibaly. L'homme avait été nommé Premier Ministre en janvier 2017 et se comportait désormais en patron du camp présidentiel. C'est à ce moment que sont apparues les premières frictions entre le chef de l'Etat et le PAN, Soro Guillaume.  Deux mutineries ont éclaté en 2017. Au sein du parti au pouvoir, il se murmurait que Soro Guillaume en était l'instigateur. Dès lors, il est progressivement mis sur la touche, bien que toujours président de l'Assemblée nationale. 

Le ministère du budget avait pour instruction de ne plus financer les voyages officiels qu'il effectuait en dehors du pays, en tant que chef du parlement ivoirien.  La dégradation des relations était si visible que vers la fin de l'année 2018, interrogé sur la question, le président Ouattara annonce officiellement que Soro Guillaume démissionnera de son poste. La démission intervient effectivement en Février 2019 et l'homme quitte le pays peu après pour l'Europe. Le divorce était ainsi consommé, et la bataille désormais ouverte entre les deux hommes.



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Soro Guillaume en conférence de presse au Bristol Hotel de Paris le 17 Septembre

2020. L'homme entendait dénoncer le rejet de sa candidature à la présidentielle.


Depuis la France, l’homme défie régulièrement le régime. C'est dans ces conditions qu'en Décembre 2019, le procureur présente à la presse un enregistrement audio. On l'entend détailler froidement une opération « dont la puissance de feu sera telle que les gens vont se rallier », une opération « brève qui ne va pas s'enliser ». Il se prévalait du soutien de la hiérarchie militaire (composée des ex-com zone), et se donnait un délai d’un an pour déclencher l’opération et « accéder à la magistrature ».  


Par la suite une impressionnante quantité d’armes était découverte dans la lagune d’Assinie, des armes destinées (selon l’enquête diligentée à cet effet) à l’attaque de la résidence présidentielle dans cette cité où le chef de l’Etat prend ses moments de villégiature, et durant lesquels sa protection n’est pas aussi renforcée qu’à Abidjan. 


Intervenant sur ces écoutes de son exil Français, Soro ne nie pas les propos, mais prétend que la bande sonore « date de 2017 », et que ses propos sont « sortis de leur contexte ». Il affirme s'en être déjà expliqué avec le Président, et prétend « ne jamais avoir envisagé de prendre le pouvoir en versant du sang ». Ses explications étaient d'autant moins convaincantes qu'en 2015 déjà, dans une première bande sonore, on l'entendait préconiser des actions pour la réussite d'un putsch qui était en ce moment en cours au Burkina, contre le président de transition de l'époque. 


En fait, il semble qu'en collaboration avec les opérateurs, dès 2017 ses communications étaient interceptées à son insu, le pouvoir le tenant à l'œil depuis les mutineries de cette année. Un mandat d’arrêt international est lancé contre lui en Janvier 2020 suite à cette affaire, et ses proches sont mis aux arrêts. Deux procès sont intentés contre lui, le premier pour "détournement de fonds publics en 2007 lorsqu'il était premier ministre", et le second pour "atteinte à la sûreté de l'Etat". Il écope de deux condamnations, dont la perpétuité dans le cadre du second procès. 


Entre-temps, il déclare sa candidature à la présidentielle de 2000, et attaque à son tour l'Etat devant la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples-CADHP. Celle-ci prononce deux arrêts en sa faveur en 2020. Le premier ordonne à la Côte d'Ivoire de retirer le mandat d’arrêt international émis contre lui, et le second de prendre toutes dispositions afin qu’il puisse se présenter à la présidentielle de 2020 !! En réaction, l’Etat ivoirien se retire de la CADHP.  

 

Sommé en 2020 de quitter la France, il s'établit en Turquie. Puis vint l’affaire des 49 soldats ivoiriens détenus au Mali en Juillet 2022. Il est aujourd'hui établi que c’est bien Soro Guillaume qui informa Bamako de la présence de soldats ivoiriens assurant une mission non pour le compte de la MINUSMA, mais pour une entreprise en sous traitance avec elle. Ce faisant, ils ne faisaient pas partie des effectifs de la MINUSMA. On connaît la suite. Les soldats sont arrêtés au motif qu’ils sont des mercenaires, et le Mali veut les échanger contre le fils de l’ancien président IBK, ainsi que son dernier ministre de la défense, tous deux résidant en Côte d’Ivoire.

 


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Soro et Tené Birahima Ouattara (TBO). le 22 Mars 2015 lors d'un meeting  au palais

des sports. Un duel à distance a toujours existé entre ces deux hommes. 


Pour des raisons évidentes, Soro Guillaume a une profonde inimitié à l'égard de Téné Brahima Ouattara (TBO), ministre de la défense et jeune frère du président. Dès 2011, dans l’ombre de son frère, TBO s’est focalisé sur les questions de défense et de renseignements. Or Soro Guillaume avait la haute main sur l’appareil militaire à cette époque, en tant que Premier ministre et ministre de la défense ( Avril 2011 - mars 2012 ). 

L’inimitié entre les deux hommes date de cette période, et s’est amplifiée par la suite. L’affaire des 49 soldats était un coup porté à TBO. Pour beaucoup, Soro Guillaume et l’avatar Chris Yapi ne font qu’un, ou du moins le premier est la source d’informations du second. On remarquera que Chris Yapi concentre l’essentiel de ses attaques sur TBO. 

En Novembre 2023, on apprenait dans les médias qu’il avait été victime d’une « tentative d’enlèvement de la part de policiers ivoiriens ». Notons qu'il résidait en Turquie à ce moment. Cela avait de quoi surprendre car le régime a toujours voulu l'éloigner du pays. Le pouvoir n’a pas intérêt à le voir sur place, donc pourquoi tenterait-il de l’enlever ? Pour l’emprisonner en CI ? Cela pourrait créer des remous. 

Ainsi l’épisode de l’enlèvement reste assez énigmatique. Il a tout l’air d’être "fabriqué", un exercice de communication pour justifier ce qui va suivre. Car suite à cela, il déclare « mettre fin à son exil » et annonce « son retour prochain en Côte d'Ivoire ».  Aujourd'hui il réside dans l'un des pays de la sous-région, et s’affiche ouvertement aux côtés des juntes, ce qui ne peut que renforcer le contentieux entre lui et le régime ivoirien. 

Enfin, l’hebdomadaire jeune Afrique rapportait dans son édition numérique du 03 Mai dernier, la découverte par les renseignements ivoiriens, d’un complot en préparation depuis le Burkina, où "une cinquantaine d’ex-militaires ivoiriens seraient en formation en vue de mener des actions en Côte d’ivoire". Le nom de Soro est cité comme le cerveau derrière l' opération.  

L’intéressé ne s’est pas encore exprimé, mais ses proches ont réagi, pour dénoncer  « un article télécommandé par ceux qui sont contre son retour ». Ils accusent sans les nommer le ministre de la défense, et le ministre Touré Mamadou de l’emploi des jeunes, porte-parole adjoint du parti présidentiel. Ce dernier développement rappelle les écoutes téléphoniques de Décembre 2019, et laisse à penser que Soro Guillaume reste le même, un putschiste dans l'âme.

 


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Les présidents Gbagbo et Compaoré, et le patron de la rébellion Soro Guillaume lors 

de la signature des accords politiques de Ouagadougou le 04 mars 2007.


Esprit indépendant, caractère trempé, l'homme croit dur à son "destin présidentiel". La volonté de diriger ce pays au sommet ne l'a jamais abandonné. Cette addiction au pouvoir lui vient du temps où en tant que patron de la rébellion, il dominait le Centre, le Nord et l'Ouest du pays, environ 60% du territoire. Un embryon d’Etat était en place, avec la centralisation de la collecte des taxes, une armée qui faisait aussi office de police, un personnel civil, une station télévision (celle de Bouaké), des "représentants" dans des capitales africaines, le tout chapeauté par un  « cabinet présidentiel ». 


Guillaume Soro faisait des tournées dans cette partie du pays, et mobilisait des foules. Tous les 06 Août il s'adressait à la population dans un message en direct, et le 07 Août, présidait un défilé militaire !! En Avril 2007, il est nommé premier ministre suite aux « accords de Ouagadougou ».  Ainsi il partageait le pouvoir avec le Président de la république dans la partie gouvernementale, en plus de son pouvoir absolu dans la partie Centre-Nord-Ouest, que le pouvoir d’Abidjan ne contrôlait que sur le papier.  


Il  a pris du volume durant cette période (Avril 2007- Octobre 2010). Evidemment tout cela a créé une addiction. Le pouvoir on le sait est une drogue addictive, une fois qu’on y a gouté, il est difficile d’y renoncer.  Soro Guillaume veut gouverner. Évidemment cela n'a rien de condamnable si ce sont les méthodes que l'homme est prêt à utiliser. 


Soro Kigbafori Guillaume a toujours régné sans partage, partout où il est passé, que ce soit en tant que SG de la fesci, ou patron de la rébellion. Partisan de la manière forte, il ne supporte pas la contradiction. Si l’homme accède un jour au pouvoir, sa présidence sera une présidence à vie, car l’homme est un putschiste dans l’âme.  Or  c'est connu, un putschiste ne rend  jamais le pouvoir. 



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Soro entouré d'hamed Bakayoko et de Gon Coulibaly le 05 Mai 2018 lors d'un grand 

meeting. Il avait déjà pris ses distances avec le parti au pouvoir à ce moment.


Le président Ouattara ne voudra jamais de lui comme successeur, c’est établi. La réconciliation dont parle tant la presse, ne pourra être qu' "artificielle" si elle a effectivement lieu, car les deux hommes auront des ’’calculs’’ dans la tête. Et puis il y a TBO, avec qui l’inimitié est encore plus forte, celui qui de toute évidence continuera à chapeauter l’appareil militaire, que le président cède la place à un successeur ou pas. 


On ne voit pas comment ces deux crocodiles pourraient cohabiter dans le même marécage, pour prendre cette image. Certains affirment qu'avec le décès d'Amadou Gon Coulibaly et d'Hamed Bakayoko, il aurait fini par devenir "l'héritier naturel" du président s'il était resté "tranquille". Possible. Mais aujourd'hui le fossé est bien trop profond entre le président et lui pour être comblé un jour.

Sera-t-il présent en Côte d’ivoire lors des obsèques du président Bédié ? Cela semble improbable. Parce qu'encore une fois, rien n'est réglé. Hormis le coup de fil qui a emballé les médias, il n' y a eu aucune suite. Juridiquement il doit bénéficier d'une grâce ou d'une amnistie qui efface ses condamnations, avant de fouler le sol ivoirien. Il parle de rentrer en Côte d'ivoire parce que « 2025 n'est pas loin »

Il se projette déjà comme "candidat du parti au pouvoir" en 2025 !!! C'est prétentieux. Le président ne s'est pas encore exprimé sur 2025. Même s'il est improbable qu'il soit de nouveau candidat, il aurait été plus convenant que Soro attende que l'homme se prononce sur le sujet avant de l'évoquer. Encore une fois, Soro Guillaume est dans la défiance, montrant par là que le chemin vers la réconciliation reste sans issue. 



Douglas Mountain 

oceanpremier4@gmail.com   

Le Cercle des Réflexions Libérales

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