Macky Sall : vrai renoncement au troisième mandat ou ‘’repli tactique ‘’ ?

 


Abidjan le 21 Juillet 2023

Une décision qui fera tache d'huile en Afrique de l'Ouest ?  

 

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Le Président Macky Sall du Sénégal. L'homme a officiellement renoncé à un troisième mandat. 

Champion de lutte traditionnel dans sa jeunesse, beaucoup ne le voyaient pas lâcher prise.




Du 03 au 08 Mars 2021, de violentes émeutes ont secoué le Sénégal lorsque l’opposant Ousmane Sonko a été interpellé dans une affaire de viol. Ces émeutes ont été si graves que l’UA, la CEDEAO, l’UE, les Nations Unies et plusieurs pays occidentaux ont appelé au calme. Il y avait des craintes quant à la stabilité du pays. Les violences ont fait 14 victimes selon les autorités. Une jeune dame du nom d’Adji Sarr, employée d’un salon de massage, accusait l’homme de l’avoir « violée à plusieurs reprises sous la menace d’une arme». 


Celui-ci nie tout en bloc, reconnaissant cependant s’être rendu à plusieurs reprises dans ce salon pour « traiter un mal de dos ». En revanche, il dit n’être jamais resté un instant seul dans une pièce avec la jeune dame, et dénonce  « un complot ourdi par le Président Macky Sall pour l’écarter de la présidentielle de 2024 ». 

 

En fait, dès le départ, Ousmane Sonko a inscrit cette affaire dans le cadre plus large de la candidature du Président Macky Sall à un troisième mandat. Sa stratégie a consisté à lier ces deux questions. Et cette stratégie fut payante, car les émeutes de Mars 2021 dépassèrent la personne de Sonko. Après les opposants Karim Wade ( fils de l’ancien président Abdoulaye Wade) et Khalifa Sall ( ancien Maire de Dakar), emprisonnés tous deux dans des affaires distinctes de corruption ( ce qui les rend inéligibles ), puis graciés plus tard par le Président Macky Sall, l’opinion publique reprochait désormais au Président Macky Sall de vouloir faire de même avec l’opposant Ousmane Sonko, et éliminer ainsi de la course le dernier opposant de poids.


Pour rappel, les présidents Macky Sall et Faure Eyadema du Togo, se sont opposés en 2022 à un protocole additionnel de la CEDEAO prévoyant des sanctions automatiques contre tout pays, en cas de violation de la limite constitutionnel de deux mandats, ou de changements des constitutions à des fins électorales. Ce fait n’a pas été suffisamment commenté dans la presse. Pourtant c’était une indication claire des intentions de Macky Sall. 


De même le fait de ne pas avoir désigner son dauphin, et surtout l’interview accordé au magazine français l’Express en Mars dernier, où il affirmait clairement que « la constitution lui donne le droit de se représenter en 2024, mais qu’il n’a pour l’instant pris aucune décision »,  tout cela indiquait à suffisance que la candidature de l’homme en 2024 était déjà arrêtée.





Ousmane Sonko : une moralité plutôt douteuse  ?



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Ousmane Sonko devant la presse en 2022, le " tombeur " de Macky Sall, le candidat de la jeunesse

 comme il se définit lui-même. Les zones d'ombre sont  assez nombreuses dansl'affaire de viol  qui

 l'oppose à la plaignante Adji Sarr à droite sur l'image.


Ousmane Sonko n’est pas exempt de tout reproche dans cette affaire de viol. Le fait même de fréquenter un salon de massage en dit long sur sa moralité, des endroits connus pour être des lieux de prostitution déguisée. La plaignante Adji Sarr a déposé sa plainte dans un commissariat la nuit même du viol présumé. Elle a subi les prélèvements d’usage. Ousmane Sonko a refusé un prélèvement de son ADN pour le confronter à celui prélevé chez la plaignante. 


De même devant le juge d’instruction, il a toujours refusé de dire s’il avait ou non eu une relation sexuelle avec la plaignante. Cette dernière posture est en contradiction avec le fait qu’il a affirmé n’être jamais resté seul avec la plaignante. Si tel avait été vraiment le cas, alors il aurait dû simplement répondre ne pas avoir eu de relation sexuelle avec elle. Mais le fait de ne pas répondre à cette question amène à penser que la chose s'est bel et bien produite. 

 

Adji Sarr est également sous le feu des critiques. Elle dit avoir été abusée « à quatre reprises ». A la question de savoir pourqoui ne pas avoir porté plainte dès le premier « viol », elle prétend « avoir manqué de courage du fait de la notoriété politique de l’homme ». De même quand on lui demande pourquoi avoir accepté de pratiquer de nouveau un massage  sur un homme qui l’avait déjà « violée », et prendre de nouveau le risque de se retrouver seule avec lui dans une chambre, elle répond avoir eu peur de perdre son boulot si elle refusait, car la satisfaction des clients passait avant tout !!! 

 

Les deux concernés ont donné leur version des faits face à la presse. Bien entendu chacun à éluder les aspects gênants pour présenter les choses sont l'angle qui lui est le plus favorable. Ousmane Sonko n'a pas une seule fois prononcée le nom de celle qu'il désigne par " une jeune femme manipulée par le camp du président Macky Sall". 


Au-delà des versions qui divergent, le fait qu'Adji Sarr ait accepté de nouveau de pratiquer un massage, et donc de se retrouver de nouveau seule dans une chambre avec un monsieur qui l'avait déjà "violée" plusieurs fois ( elle dénonce quatre viols), reste difficile à comprendre malgré les explications qu'elle avance.  Il est clair que ces deux personnes ont eu des relations sexuelles à plusieurs reprises, et beaucoup pensent que le contentieux est sans doute né sur "la tarification des prestations". 

 


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Scènes de chaos au Sénégal du 01 au 03 Juin 2023 suite à la condamnation d'Ousmane Sonko.


Pour la rue, les choses sont simples, le pouvoir ségalais veut éliminer Sonko de la présidentielle de 2024. Pourtant arrivé 3ème à la présidentielle de 2019 avec 16.% des suffrages, Ousmane Sonko ne constituait pas vraiment une menace pour le Président Macky Sall, de l’avis des analystes. Mais ce dernier, fidèle en cela à une tradition bien établie dans l’Afrique d’aujourd’hui, avait l’intention de « déblayer » son chemin au moyen de la justice. 


Bénin, Niger, Mauritanie, Mali, Rwanda, Ouganda, etc…….les opposants pouvant constituer un danger sont mis sur la touche au moyen de procès. Macky Sall s’est finalement brisé les os en voulant coûte que coûte écarter le dernier opposant de poids pouvant potentiellement l’affronter. Il a cru pouvoir se débarrasser facilement de lui en utilisant cette affaire.  Le génie de Sonko fut d’avoir justement utilisé cette affaire pour poser le problème du  troisième mandat du président Macky Sall, cela afin de rallier l’opinion à sa cause. 

 

Sa stratégie a été payante. Son procès et sa condamnation pour « corruption de la jeunesse » à deux ans de prison ferme, ont donné lieu  du 01  au 03 Juin 2023 à des émeutes encore plus dévastatrices que celles de 2021. 15 victimes sont à déplorer. Bien sûr, les manifestants n’étaient pas tous acquis à la cause d’Ousmane Sonko, ils avaient plutôt en commun le fait de refuser une troisième candidature de Macky Sall à la présidentielle de Février 2024. 


C'était l'élément fédérateur lors de ces manifestations.  A cette pression intérieure, s’est superposée une pression extérieure à la fois de la CEDEAO, de l’UA et des partenaires financiers du Sénégal. Pour tous, le renoncement de Macky Sall à un troisième mandat était la solution à la crise.

 

Dans une allocution le 03 Juillet 2023 où tout le Sénégal retenait son souffle, Macky Sall annonça renoncer à une candidature en Février 2024. Pourtant cela ne semble pas avoir entraîné une totale décrispation. Le régime est  plutôt en train de se durcir. Birame Souleye Diop, président du groupe parlementaire du parti de Sonko a été arrêté et déferré pour avoir déclaré " qu'il fallait être vigilant car un revirement du Président Sall n'était pas à exclure ". 


Le journaliste Pape ALé Niang, qui était jusque-là en liberté suite à une première arrestation pour diffusion de fausses informations, a été formellement inculpé. Enfin rien n’est dit sur le sort d’Ousmane Sonko, même si les forces de l'ordre ont levé le barrage autour de sa résidence. Il y a comme le sentiment que la crise n’est pas totalement dénouée. 

 

Macky Sall va-t-il faire payer cher à Ousmane Sonko ce renoncement ? A-t-il une idée derrière la tête comme ils sont de plus en plus nombreux à le penser ?  Va-t-il renoncer définitivement ou se maintenir dans le jeu politique d’une manière ou d’une autre ? Le brouillard ne s’est pas encore totalement dissipé au pays de la Teranga. La décision de Macky Sall va-t-elle être suivie par son homologue ivoirien, alors que des voix s'élèvent pour lui demander de se représenter en 2025 ?

 


Douglas Mountain 

oceanpremier4@gmail.com   

Le Cercle des Réflexions Libérales


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