Macky Sall : vrai renoncement au troisième mandat ou ‘’repli tactique ‘’ ?
Une décision qui fera tache d'huile en Afrique de l'Ouest ?
Le Président Macky Sall du Sénégal. L'homme a officiellement renoncé à un troisième mandat.
Champion de lutte traditionnel dans sa jeunesse, beaucoup ne le voyaient pas lâcher prise.
Du 03 au 08 Mars 2021, de violentes émeutes ont secoué le Sénégal lorsque l’opposant Ousmane Sonko a été interpellé dans une affaire de viol. Ces émeutes ont été si graves que l’UA, la CEDEAO, l’UE, les Nations Unies et plusieurs pays occidentaux ont appelé au calme. Il y avait des craintes quant à la stabilité du pays. Les violences ont fait 14 victimes selon les autorités. Une jeune dame du nom d’Adji Sarr, employée d’un salon de massage, accusait l’homme de l’avoir « violée à plusieurs reprises sous la menace d’une arme».
Celui-ci nie tout en bloc,
reconnaissant cependant s’être rendu à plusieurs reprises dans ce salon pour
« traiter un mal de dos ». En revanche, il dit n’être jamais resté un
instant seul dans une pièce avec la jeune dame, et dénonce « un
complot ourdi par le Président Macky Sall pour l’écarter de la présidentielle
de 2024 ».
En fait, dès le départ, Ousmane Sonko a
inscrit cette affaire dans le cadre plus large de la candidature du Président
Macky Sall à un troisième mandat. Sa stratégie a consisté à lier ces deux
questions. Et cette stratégie fut payante, car les émeutes de Mars
2021 dépassèrent la personne de Sonko. Après les opposants Karim Wade ( fils de
l’ancien président Abdoulaye Wade) et Khalifa Sall ( ancien Maire de Dakar),
emprisonnés tous deux dans des affaires distinctes de corruption ( ce qui
les rend inéligibles ), puis graciés plus tard par le Président Macky
Sall, l’opinion publique reprochait désormais au Président Macky Sall de
vouloir faire de même avec l’opposant Ousmane Sonko, et éliminer ainsi de la
course le dernier opposant de poids.
Pour rappel, les présidents Macky Sall et Faure Eyadema du Togo, se sont opposés en 2022 à un protocole additionnel de la CEDEAO prévoyant des sanctions automatiques contre tout pays, en cas de violation de la limite constitutionnel de deux mandats, ou de changements des constitutions à des fins électorales. Ce fait n’a pas été suffisamment commenté dans la presse. Pourtant c’était une indication claire des intentions de Macky Sall.
De même le fait de ne pas avoir désigner son dauphin, et surtout l’interview
accordé au magazine français l’Express en Mars dernier, où il
affirmait clairement que « la constitution lui donne le droit de se
représenter en 2024, mais qu’il n’a pour l’instant pris aucune
décision », tout cela indiquait à suffisance que la candidature de
l’homme en 2024 était déjà arrêtée.
Ousmane Sonko : une moralité plutôt douteuse ?
Ousmane Sonko devant la presse en 2022, le " tombeur " de Macky Sall, le candidat de la jeunesse
comme il se définit lui-même. Les zones d'ombre sont assez nombreuses dansl'affaire de viol qui
l'oppose à la plaignante Adji Sarr à droite sur l'image.
Ousmane Sonko n’est pas exempt de tout reproche dans cette affaire de viol. Le fait même de fréquenter un salon de massage en dit long sur sa moralité, des endroits connus pour être des lieux de prostitution déguisée. La plaignante Adji Sarr a déposé sa plainte dans un commissariat la nuit même du viol présumé. Elle a subi les prélèvements d’usage. Ousmane Sonko a refusé un prélèvement de son ADN pour le confronter à celui prélevé chez la plaignante.
De même devant le juge d’instruction, il a
toujours refusé de dire s’il avait ou non eu une relation sexuelle avec la
plaignante. Cette dernière posture est en contradiction avec le fait qu’il a
affirmé n’être jamais resté seul avec la plaignante. Si tel avait été vraiment
le cas, alors il aurait dû simplement répondre ne pas avoir eu de relation
sexuelle avec elle. Mais le fait de ne pas répondre à cette question amène à
penser que la chose s'est bel et bien produite.
Adji Sarr est également sous le feu des
critiques. Elle dit avoir été abusée « à quatre reprises ». A la
question de savoir pourqoui ne pas avoir porté plainte dès le premier
« viol », elle prétend « avoir manqué de courage du fait de la
notoriété politique de l’homme ». De même quand on lui demande pourquoi
avoir accepté de pratiquer de nouveau un massage sur un homme qui l’avait
déjà « violée », et prendre de nouveau le risque de se retrouver
seule avec lui dans une chambre, elle répond avoir eu peur de perdre son boulot
si elle refusait, car la satisfaction des clients passait avant tout !!!
Les deux concernés ont donné leur version des faits face à la presse. Bien entendu chacun à éluder les aspects gênants pour présenter les choses sont l'angle qui lui est le plus favorable. Ousmane Sonko n'a pas une seule fois prononcée le nom de celle qu'il désigne par " une jeune femme manipulée par le camp du président Macky Sall".
Au-delà des versions qui divergent, le fait qu'Adji Sarr ait accepté
de nouveau de pratiquer un massage, et donc de se retrouver de nouveau seule
dans une chambre avec un monsieur qui l'avait déjà "violée" plusieurs
fois ( elle dénonce quatre viols), reste difficile à comprendre malgré les
explications qu'elle avance. Il est clair que ces deux personnes ont eu
des relations sexuelles à plusieurs reprises, et beaucoup pensent que le
contentieux est sans doute né sur "la tarification des
prestations".
Scènes de chaos au Sénégal du 01 au 03 Juin 2023 suite à la condamnation d'Ousmane Sonko.
Pour la rue, les choses sont simples, le pouvoir ségalais veut éliminer Sonko de la présidentielle de 2024. Pourtant arrivé 3ème à la présidentielle de 2019 avec 16.% des suffrages, Ousmane Sonko ne constituait pas vraiment une menace pour le Président Macky Sall, de l’avis des analystes. Mais ce dernier, fidèle en cela à une tradition bien établie dans l’Afrique d’aujourd’hui, avait l’intention de « déblayer » son chemin au moyen de la justice.
Bénin,
Niger, Mauritanie, Mali, Rwanda, Ouganda, etc…….les opposants pouvant
constituer un danger sont mis sur la touche au moyen de procès. Macky Sall
s’est finalement brisé les os en voulant coûte que coûte écarter le dernier
opposant de poids pouvant potentiellement l’affronter. Il a cru pouvoir se
débarrasser facilement de lui en utilisant cette affaire. Le génie
de Sonko fut d’avoir justement utilisé cette affaire pour poser le problème du
troisième mandat du président Macky Sall, cela afin de rallier l’opinion
à sa cause.
Sa stratégie a été payante. Son procès et sa condamnation pour « corruption de la jeunesse » à deux ans de prison ferme, ont donné lieu du 01 au 03 Juin 2023 à des émeutes encore plus dévastatrices que celles de 2021. 15 victimes sont à déplorer. Bien sûr, les manifestants n’étaient pas tous acquis à la cause d’Ousmane Sonko, ils avaient plutôt en commun le fait de refuser une troisième candidature de Macky Sall à la présidentielle de Février 2024.
C'était
l'élément fédérateur lors de ces manifestations. A cette pression
intérieure, s’est superposée une pression extérieure à la fois de la CEDEAO, de
l’UA et des partenaires financiers du Sénégal. Pour tous, le renoncement de
Macky Sall à un troisième mandat était la solution à la crise.
Dans une allocution le 03 Juillet 2023 où tout le Sénégal retenait son souffle, Macky Sall annonça renoncer à une candidature en Février 2024. Pourtant cela ne semble pas avoir entraîné une totale décrispation. Le régime est plutôt en train de se durcir. Birame Souleye Diop, président du groupe parlementaire du parti de Sonko a été arrêté et déferré pour avoir déclaré " qu'il fallait être vigilant car un revirement du Président Sall n'était pas à exclure ".
Le
journaliste Pape ALé Niang, qui était jusque-là en liberté suite à une première
arrestation pour diffusion de fausses informations, a été formellement inculpé.
Enfin rien n’est dit sur le sort d’Ousmane Sonko, même si les forces de l'ordre
ont levé le barrage autour de sa résidence. Il y a comme le sentiment que
la crise n’est pas totalement dénouée.
Macky Sall va-t-il faire payer cher à
Ousmane Sonko ce renoncement ? A-t-il une idée derrière la tête comme ils
sont de plus en plus nombreux à le penser ? Va-t-il renoncer
définitivement ou se maintenir dans le jeu politique d’une manière ou d’une
autre ? Le brouillard ne s’est pas encore totalement dissipé au pays de la
Teranga. La décision de Macky Sall va-t-elle être suivie par son homologue
ivoirien, alors que des voix s'élèvent pour lui demander de se représenter en
2025 ?
Douglas Mountain
Le Cercle des Réflexions Libérales
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