Drogba Didier à la FIF : tout est pour le mieux ?
Joueur d’exception, Drogba Didier reste toujours adulé . Aujourd'hui l'homme aspire à diriger la FIF. Une démarche merveilleuse ou un pari risqué ?
Ex- star du ballon rond,
Didier Drogba (DD) est toujours admiré à travers le monde, quatre années après
avoir mis fin à sa carrière. Sa candidature à la présidence de la FIF suscite un
fort enthousiasme. Des pétitions circulent, des groupes de soutien sont créés, tous les Ivoiriens semblent marquer
leur adhésion, à commencer par le Président de la république et son épouse qui
lui ont apporté formellement leur soutien, un soutien qui vaut élection. On peut le dire, la question
est bouclée.
Le Président sortant Sidy Diallo a démissionné et aucun autre Ivoirien ne peut se hasarder à présenter l’ombre de la moindre candidature, sous peine de se voir ridiculiser. Tout semble être pour le mieux pour DD. Pourtant il y a beaucoup à dire.
Les voix discordantes
Au milieu de ce concert
d’approbation et de louanges, des voix plus réservées ont été entendues. Ce
sont celles de Né Marco, un professionnel Ivoirien évoluant en Europe, Jacques Anouma, président de la FIF
de 2000 à 2012, et Oumar Ben Salah, une ancienne gloire du foot, ancien
international, vainqueur de la CAN 92 au Sénégal.
Jacques Anouma a dit ne soutenir personne pour l’instant, attendant de voir le profil des « autres candidats » avant de se prononcer. Né Marco et Oumar Ben Salah, ont pointé le manque d’expérience de DD en la matière. Avoir brillé sur les terrains est une chose. Diriger une structure lourde comme la FIF, en est une autre. Aussi ils conseillent à DD de « continuer à apprendre en se rapprochant des gens ». Depuis leur sortie, ces trois personnes sont vivement attaquées.
On peut concéder que Jacques Anouma est un personnage rancunier et plein de ressentiment (ancien président de la FIF, il aspirait peut-être à retrouver son fauteuil). En revanche les réserves émises par Oumar Ben Salah relèvent du bon sens. DD a été un joueur exceptionnel, mais cela ne le qualifie pas de facto à diriger un club, à fortiori une fédération. Une phase d’apprentissage paraît nécessaire.
Neymar, Messi, Ronaldo etc...sont des virtuoses. Mais peuvent-ils pour autant prétendre aujourd'hui être entraîneur ou président de fédération dans leur pays ? Ils devront apprendre quelque part. Les cinq derniers présidents de la FIF (Brizoua-Bi, Réné Diby, Dieng Ousseynou, Jacques Anouma, et Sidy Diallo) ont longtemps été dirigeants de club, notamment l’Asec D’Abidjan.
Les déboires de Georges Weah à la tête du Libéria sont là pour montrer à nos célébrités qu’il est dangereux de brûler les étapes. Il faut faire preuve de prudence dans les ambitions. Quinze mois après sa victoire, des milliers de libériens ont marché pour réclamer sa démission. En cause la chute de la monnaie libérienne, qui a entraîné une pauvreté généralisée. Georges Weah n' a rien pu faire. Le miracle n’a pas eu lieu. L'homme a certes encore des partisans, mais il n’est plus vu comme un Etre d’exception.
Ce scénario n’est pas à exclure pour DD à la tête de la FIF si les résultats tardaient. Le pari est risqué et dangereux, et DD n’a pas l’air d’en avoir conscience. Il joue gros et rien ne permet d’affirmer qu’il est taillé pour le job. Bien entendu dans la vie il faut se donner des challenges, on ne peut donc pas d’emblée le désavouer pour avoir visé la FIF. Mais le manque d’expérience est souvent un handicap qui ne pardonne pas. DD doit savoir que si son élection est une question réglée, le reste de la partie n’est pas gagné d’avance.
Ce qui est vraiment reproché
à Sidy Diallo
La FIF n’est pas un
établissement public national. L’Etat octroi certes des subventions mais ne peut pas exercer de droit de contrôle. La FIFA refuse aux Etats
le droit de s’immiscer dans la gestion des présidents de fédérations. Ces
derniers ont donc une sorte « d’immunité » quant à leur gestion
financière. Ils ne rendent compte qu’à l’Assemblée générale, à qui ils présentent un rapport moral et
financier à la fin de leur mandat.
Aujourd’hui, « beaucoup d’argent » circule à la FIF: les subventions de l’Etat, de la CAF, de la FIFA, les contrats de sponsoring, les contrats publicitaires, les droits sur les revenus des transferts internationaux, la vente des licences etc…etc…. Beaucoup d’ivoiriens ignorent que le président de la FIF et son staff ne reçoivent pas de salaires ! Ils agissent bénévolement ! C’est dire tout simplement qu’ils « se servent » quelque part.
Et c’est bien à ce niveau que portent les critiques sur Sidy Diallo, le
président sortant. Officiellement on lui reproche beaucoup de choses d’ordre
technique, mais en réalité c’est sa gestion financière qui est mise en
cause. Selon des informations parues dans la presse, Sidy Diallo n’aurait pas fourni « d’explications convaincantes » sur une somme
de 3 milliards de FCFA. Ce fut le départ du divorce avec les présidents de club.
DD sera aussi « surveillé »
sur cet aspect. C’est un garçon charmant, qui projette une image sympathique. Ok. Mais qu’en-est-il de l’intérieur de
l’homme ? Aura-t-il la tête
suffisamment froide pour ne pas céder à la tentation de se servir ? Dans une récente interview, il
affirme « ne pas vouloir diriger
la FIF pour se servir. Car la CI lui a tant donné, qu’il se doit de
rendre cela en accomplissant
quelque chose dans le pays ». Pour ses partisans, sa
fortune le met à l’abri du besoin,
l’homme n’ira jamais se servir dans les caisses de la FIF.
On peut
comprendre leur zèle, mais ce qu’ils affirment reste à prouver, car jusqu’ici il n’a jamais été impliqué dans la gestion du bien public. Aussi tout jugement sur
son honnêteté, quel qu’il soit, ne peut pas être objectif. Nous le jugerons sur les actes.
La surface financière de
Drogba Didier
Beaucoup de chiffres
circulent sur le net. Le magazine FORBES qui est un organe très sérieux en la
matière, évalue la fortune de DD en 2019
à environ 100 milliards de FCFA, derrière Yaya Touré (150 milliards de FCFA) et
ETo’o Fils (250 milliards de F CFA) qui trône en première place.
Il faut savoir que la fortune est une estimation
de la valeur totale des biens d’une
personne. Ce n’est pas entièrement de l’argent
liquide que cette personne détient sur son compte.
DD ne dispose pas de 100 milliards
en cash. Cette somme est la valeur estimée de l’ensemble de ses actifs
(placements boursiers, prises de participations, contrats publicitaires,
contrats d’assurance, biens immobiliers, investissements directs, compte bancaires etc…etc….…).
Beaucoup mettent en
parallèle cette fortune (100 milliards
de FCFA) et le budget de la FIF (8,7 milliards de FCFA en 2019), comme une
indication claire que l’intéressé « ne vise pas l’argent ». Sans
vouloir faire un procès à DD sur ses
intentions, cette comparaison n’est pas pertinente. La fortune comme on l’a souligné n’est pas entièrement
du liquide, et sert très souvent uniquement à entreprendre des investissements. On ne vit pas sur la
fortune, mais sur les revenus générés par cette fortune. Il faut donc mettre en parallèle les
revenus annuels de DD et le budget de la FIF.
Les chiffres sur les revenus annuels de DD en 2019 sont fantaisistes.
Plusieurs sources mentionnent des montants oscillant entre 45 et 62 milliards de FCFA !!! C’est peu probable. Avec une fortune estimée
à 100 milliards de FCFA en 2019, DD ne peut pas avoir effectué des
investissements qui vont générer sur une
seule année de tels revenus, soit environ la moitié de sa fortune. Un tel taux de rentabilité ne se rencontre que dans
les transactions sur les monnaies virtuelles (bitcoin, etherum, etc……), pas dans des investissements effectués
dans l’économie réelle.
Le montant de 15 millions de
dollars (soit environ 9 milliards de
FCFA) est souvent évoqué comme revenus
engrangés en 2019. Il semble plus
réaliste. Et comme on peut le constater
il n' est pas éloigné du budget de la FIF en 2019. Au risque donc de contrarier
les partisans de Bahi Zokou (le surnom de DD dans sa région natale), le budget de
la FIF n’est pas quantité négligeable et peut constituer pour DD une tentation
redoutable, et cela d’autant plus que ce budget croît chaque année. En un mot, lorsqu’il dirigera la FIF, DD ne sera pas à
l’abri de la tentation malgré sa fortune.
Un
futur « one man show » à la tête de la FIF ?
Le poste de
président de la FIF absorbe totalement. On ne plus faire autre chose, selon les dires des anciens présidents. Or DD
mène une vie de play-boy, il est sollicité un peu partout, toujours entre deux
avions. Va-t-il gérer la FIF depuis son portable ? DD va-t-il mettre la FIF en pilotage
automatique ? C'est un scénario hautement probable.
Enfin il faut
craindre que du fait de l’aura et de la célébrité de DD, personne n’ose le
contrarier. Ce sera la pensée unique dans la gouvernance de
la FIF. Cette situation est aussi reprochée à Georges Weah. L’homme
fut surpris par les marches demandant sa démission, pensant que
tout ce qu’il faisait était apprécié des libériens. En réalité, de peur de le
contrarier, son équipe n’osait pas faire remonter à lui les plaintes des
populations, jusqu’à ce que l’explosion sociale se produise.
DD devra accepter d’avoir
tort, accepter d’apprendre, accepter que d’autres en sachent plus que lui, accepter que ce qu’il
pense ne soit pas toujours la vérité ultime. DD devra veiller à ce que ses
collaborateurs ne se censurent pas, qu’ils puissent développer leurs idées
sans entrave. L’homme devra descendre du nuage sur lequel sa notoriété l’a
perché, et se mettre en « mode humilité ».
Ce n’est pas une chose évidente
pour quelqu’un qui a une place à part
dans l’imaginaire collectif, une personne devant laquelle toutes les portes
s’ouvrent. DD devra absolument faire cet
effort sur lui-même, s’il ne
veut pas se couper du monde réel et travailler dans une bulle. C’est un garçon intelligent et travailleur qui
doit pouvoir éviter le sort de Georges
Weah à la tête du Libéria en ce moment. La CI entière le soutient. Nous
souhaitons tous que le succès l’accompagne par la grâce de DIEU.
Douglas Mountain
oceanpremier4@gmail.com
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