Candidature au RHDP (présidentielle) : Mabri Toikeuse refuse de déposer les armes
Mis à jour le 30 Avril 2020
Malgré la désignation de Gon
Coulibaly comme candidat du RHDP suite au renoncement du Président de la
République, le chapitre n’est pas clos. Le Ministre Mabri Toikeuse
semble n’avoir rien lâché de ses intentions présidentielles, même si officiellement
il ne s’est pas encore (à nouveau) déclaré candidat.
Un « duel au corps-à-corps » se déroule en
ce moment entre les deux hommes, ici ensemble lors d’une réunion restreinte en
début d’année.
La crise du coronavirus a
relégué la politique au second plan, avec pour effet que les
questions brulantes s’accumulent sur la table. On croyait la page des ambitions
présidentielles de Mabri Toikeuse définitivement tournée suite à la désignation
de Gon Coulibaly comme candidat du RHDP le 12 Mars dernier. Or le ton affiché
depuis lors par le président de l’UDPCI, et les incessantes déclarations de ses
partisans dans la presse et sur les réseaux sociaux, montrent clairement qu’il
se dresse toujours sur le chemin du Premier Ministre.
Toikeuse Mabri :
une épine profondément enfoncée dans le pied du PM Gon Coulibaly
Revenons en arrière. Au cours de
l’année 2019, Mabri Toikeuse avait déclaré avec hardiesse sa candidature aux
présidentielles alors même que le président ne s’était pas encore prononcé. Des
clubs de soutient commençaient à fleurir, et le Ministre
effectuait des tournées à l’intérieur, faisant des dons ici et là.
Une machine commençait à se mettre en
place autour de lui.
A ceux qui lui
reprochaient de mettre en œuvre son agenda au détriment du parti
unifié dont il était pourtant un membre éminent, l’homme au contraire
présentait sa candidature comme « la seule
alternative capable de rassembler tous les fils et filles
d’Houphouët ».
Malgré
cette attitude de défiance, aucune sanction ne fut prise à son
encontre. Personne n’osait officiellement le désavouer. Ainsi il devenait
chaque jour plus audacieux, déclarant « qu’il ne lâcherait
jamais prise, car 2020 l’intéressait ». Puis vers la fin de
l’année, il a temporisé, cessé ses déclarations et ses
activités. Lui a-t-on promis « quelque chose » pour qu’il
arrête, ou a-t-il lui-même compris qu’il devait attendre que le Président
clarifie sa position ?
Le 10 Mars, le Chef de
l’Etat annonce qu’il ne sera pas candidat. Puis le 12 Mars un Conseil Politique
du RHDP est convoqué et le PM Gon Coulibaly est désigné candidat du parti. Mais
Mabri Toikeuse refuse d’être mis devant le fait accompli. Ses équipes de
campagne sont réactivées et reprennent aussitôt leur ratissage du terrain, les
déclarations de ses partisans deviennent sans ambiguïté dans la presse, tandis
que les appels à sa candidature se multiplient. L’homme exclut de la direction
de l’UDPCI ceux jugés proche du Premier Ministre.
Mabri Toikeuse exige
désormais un tête-à-tête avec Gon Coulibaly pour « résoudre la
question ». Certainement il veut obtenir une concession majeure, des
fonds ? En cas de victoire de Gon plusieurs ministères clés ? La primature ? La Vice-présidence ? On ne sait pas
encore. Le PM lui juge que la question est « définitivement close » dès
lors que le parti a désigné son candidat. Depuis c’est la guerre d’usure entre
les deux hommes.
Les impossibles sanctions
On peut se demander pourquoi les sanctions tardent tant à être
prises à son encontre. En 2016, il avait maintenu les candidats de
l’UDPCI aux législatives face à ceux du RHDP. Il fut aussitôt limogé du
gouvernement (il était Ministre des Affaires Etrangères). Plusieurs cadres de
l’UDPCI qui occupaient d’importantes fonctions dans l’Administration ont aussi
subi ce sort.
Aujourd’hui, le contexte a changé. L'exclure du gouvernement
entrainera le départ de l’UDPCI du RHDP. Ce départ après celui du PDCI en
2018, viderait de sa substance le concept même de parti qui rassemble
tous les houphouétistes. Ce sera un argument pour l’opposition, et ce départ
détournera l’électorat de l’Ouest montagneux du RHDP, un bloc précieux qui
vote toujours « comme un seul homme ».
Mabri Toikeuse ne peut pas être ouvertement sanctionné cette
fois. L’approche privilégiée par le pouvoir est de créer une dissidence à
l’UDPCI et dans la région du Tonkpi afin d’affaiblir l’homme. Mais il a déjà
affronté ce genre d’orages.
Le régime du Président Gbagbo avait tenté cette manœuvre dans les années 2000, sans succès. L’homme avait toujours conservé la direction de l’UDPCI. D’ailleurs il vient de prendre les devants en limogeant de la direction du parti les « pro RHDP ». Ceux-ci menacent de la traduire en justice, toute chose qui éloigne la crise d’un dénouement.
Mabri Toikeuse : un ''vétéran '' des gouvernements en CI
Mabri Toikeuse participe aux différents gouvernements
depuis 2003. Il a successivement occupé les portefeuilles de la santé,
des transports, de la coopération et de l’intégration africaine, du plan
et du développement, des affaires étrangères, et aujourd’hui de l’enseignement
supérieur et de la recherche scientifique. D’où une vaste expérience. L'homme
est médecin de formation.
Mis à la tête de l’UDPCI en 2005, il fit face à
plusieurs crises soldées par le départ de la quasi-totalité des personnalités
de premier plan. Mabri Toikeuse croisa le fer avec Siki Blon Blaise, son
doyen et mentor, la véritable tour de contrôle de la région du Tonpki jusque
dans les années 2000. Leur rivalité court toujours.
En Novembre 2016, alors qu’il occupait le portefeuille des
affaires étrangères, il est éjecté du gouvernement pour avoir maintenu
aux législatives, des candidats de l’UDPCI face à ceux de la coalition au
pouvoir, dont il faisait pourtant partie. Ce fut une
traversée du désert.
Il fut de nouveau réintégré en Janvier 2018, en tant que Ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique. En Janvier 2019, il décide de « fondre » l’UDPCI dans le parti unifié, sans toutefois proclamer sa dissolution. Ce malentendu est toujours d’actualité.
Comment régler régler la
question sans qu’il n' y ait de la casse
Le 16 Février 2019, fut organisée à Man un grand
meeting de la « jeunesse du Grand Ouest » pour rendre hommage
au Président du Conseil Régional du Tonkpi, le Ministre Mabri Toikeuse,
pour « ses actions en faveur de la paix et du développement
». Ce fut un meeting géant, où tous les orateurs présentaient le Ministre
Mabri comme le « successeur légitime » du Président de la République.
Véritable démonstration de force, le meeting a montré que le Ministre
Mabri Toikeuse avait toute une partie du pays derrière lui. La foule immense et
compacte, consacrait sa victoire sur tous ceux qui contestaient son
leadership. C’était lui le maître dans le Tonkpi.
C’est ce meeting qui a vu véritablement naître ses
ambitions présidentielles. C’est en ce moment que le pouvoir aurait dû taper
sur lui pour l’amener à ravaler ses prétentions. Mais personne n’a eu le cran
de le faire. On l’a laissé s’organiser, et nourrir cette ambition qui
s’est transformée en conviction avec le temps. Lorsqu’une
intention devient une conviction, il est beaucoup plus difficile d’y renoncer.
Il était naïf de croire qu’il suffisait de désigner Gon Coulibaly, pour que l’homme range tout et se mette au service du candidat choisi. Cette réunion aurait dû être mieux préparée en amont. Il fallait aplanir les divergences pour être sûr que la décision ne serait pas contestée. En clair Mabri Toikeuse aurait dû obtenir « quelque chose » en guise de compensations pour son renoncement. C’est cela la real politik.
Le Ministre Mabri Toikeuse passe pour être un garçon obstiné. Ce n’est certainement pas avec la « force » qu’on pourra l’amener à se retirer. Le PM doit cesser de brandir la décision du Bureau Politique du 12 Mars qui le désigne candidat, et simplement ouvrir le dialogue. Contrairement à Marcel Amon Tanoh, Mabri Toikeuse a des troupes derrière lui, ainsi que tout un appareil. Il faut obtenir son renoncement et son adhésion. Car s'il renonce sans adhérer à la campagne de Gon Coulibaly, cela peut aussi jouer contre la campagne du PM.
Il semble prêt à abandonner ses ambitions, mais veut « quelque chose » en retour. C’est légitime et cela doit pouvoir se discuter. Le Président Houphouët disait que le dialogue est l’arme des forts. La balle est dans le camp du PM Gon Coulibaly. Aux dernières nouvelles les deux parties seraient en négociation. Une sage décision . Douglas Mountain.
oceanpremier4@gmail.com
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