Les cinq premières dames ivoiriennes

La CI a connu cinq premières dames, conséquence des cinq présidents qui se sont succédés à ce jour à la tête du paysLes premières dames peuvent faire l’objet d’une attention bienveillante de l’opinion publique. Mais il  arrive qu’elles concentrent les critiques sur leur personne, ce qui est généralement le cas quand elles « se mêlent »  de politique de façon visible, ou lorsqu’on leur prête à tort ou à raison une influence trop forte sur leur époux.  La coutume veut qu’une première dame s’occupe uniquement des questions caritatives, surtout envers les enfants. En Côte d’Ivoire,  elles ne sont pas toutes restées cantonnées dans ce domaine.


Thérèse Houphouët Née Brou ( Août 1960 - 1993)

Henriette Bédié Née Koizan (Décembre 1993-Décembre 1999)

Rose Gueye Née Doudou (Décembre 1999 -Octobre 2000)

Simone Gbagbo Née Ehivet (Octobre 2000 à Mars 2011)

Dominique Ouattara Née Nouvian (depuis Mars 2011). 

 

Marie Thérèse Houphouët Boigny Née Brou  (Août 1960-Décembre 1993)  

 


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Sur la photo, Marie Thérèse Houphouët, toute en grâce et en majesté, pendant la visite du couple présidentiel  aux Etats-Unis  en 1962.  Les journaux américains  l’avaient surnommée la ‘’ Jackie Kennedy noire ’’, en référence à la first lady américaine du moment, Jacqueline Kennedy.  Les Ivoiriens ignorent que Marie Thérèse est une métisse, sa mère était blanche. La rumeur prétendait qu'elle a été la petite amie du premier fils d’Houphouët Boigny, avant que ce dernier ne s’intéresse à elle ?  Thérèse a-t-elle connu le fils avant le père ?

  

En 1946, le député de la colonie de Côte d’Ivoire, Félix Houphouët Boigny, pour rattraper le retard du territoire sur les autres colonies, et aussi pour une question de leadership, paie de sa propre poche (sous couvert du syndicat  agricole africain) , les études en France de 150 jeunes ivoiriens. Thérèse Brou est du premier contingent. C’est certainement à cette occasion qu’il a remarquée cette belle métisse et a commencé à s’intéresser à elle. 

 

Pour le site Wikipédia,  leur première rencontre eût lieu en France en 1950. C’est inexact.  Il n’y avait que 13 filles dans le contingent des premiers ivoiriens partant étudier en France. Le Président Houphouët avec la perspicacité qu’on lui connaît, a dû personnellement s’impliquer dans leur sélection, même s'il a pris soin de ne pas se mettre au devant de la chose. Il y a tout lieu de croire qu’il connaissait parfaitement les 13 filles qui ont embarqué pour la France, et avait jeté son dévolu sur la jeune Thérèse Brou, 16 ans à l’époque, lui en avait officiellement 41 ( certainement un peu plus).  

 

Son premier fils, qui  était aussi du groupe,  avait également manifesté un intérêt pour la jeune dame, ce qui a fait dire plus tard à certains que le père et le fils convoitaient la même fille. Bien sûr c’est en France que la relation s’est approfondie, et en 1952 soit six ans plus tard, il l’épouse officiellement. Le mariage religieux interviendra en 1980, le temps que soient réglé avec le Saint-Siège, les questions relatives au divorce avec sa première épouse, Khadîdja Sow.

 

Dans les années 60, 70 et 80, Thérèse enflammait l’imaginaire collectif des Ivoiriens à chacune de ses apparitions. Elle n’a pas eu d’enfant avec le Président Houphouët, en fait elle n’a jamais connu les joies de la maternité. Pour certains, le Président Houphouët a pris les  « dispositions nécessaires » dans ce sens.  L'absence de maternité explique qu’à 90 ans passé, elle soit conservée et forte. Le couple a adopté trois enfants. Il faut noter que les enfants issus du premier mariage du président Houphouët, ses enfants hors mariage, ses petits enfants, ses neveux et nièces, sont restés relativement invisibles tout au long de son règne. Personne ne devait occuper le devant de la scène , car il ne fallait surtout pas donner l'impression que la famille Houphouët dirigeait le pays. 

 

Au début des années 80, on  prêtait à Thérèse une liaison avec Emmanuel Dioulo, le maire d’Abidjan, bel homme, très en vue, qui avait le verbe haut. Bien entendu, il était dans le collimateur du pouvoir. Il n’a pas été « physiquement liquidé », mais sa carrière politique a pris « un coup d’arrêt », elle n'ira pas plus loin alors qu' on le voyait parmi les prétendants à la relève du Président. 

 

Au milieu des années 80, le pdt Houphouët effectuait beaucoup de voyages au Togo. Il en était revenu  avec une maîtresse, une métisse d’ascendance allemande, une femme d’une grande beauté. Lors des galas organisés à Yamoussoukro pendant les sommets sous régionaux, la caméra faisait des plans furtifs sur elle. Egalement au début des années 80, la rumeur prêtait au Président une liaison  avec une jeune dame ressortissante du Nord de la Côte d’ivoire, qui s’est « suicidée » par la suite, ou plutôt qu'on a retrouvée morte dans son domicile. 


En 1987 Thérèse fonda N'DAYA INTERNATIONAL, une ong d'aide à l'enfance déshéritée. Ce fut la première de ce type en Afrique créée par une première dame. Trois galas annuels ont été organisés. Mais tout s'arrêta à partir de 1990, date à partir de laquelle "l'heure est devenue grave" dans le pays, avec les meeting de l'opposition ponctués de marches et de casses.  Thérèse fut aussi à l'origine du concours de beauté " Miss Awoulaba " toujours en 1987, concours visant à célébrer la "beauté africaine" ( femmes au bassin large, à la poitrine généreuse, au cou strié, avec une brêche dans la dentition, une peau noire d'ébène, et des manières gracieuses). Depuis l'origine, ce concours peine à attirer les sponsors.

 

 

Thérèse et la question des biens laissés par le Président Houphouët


En Décembre 1993, le Président Houphouët décède sans laisser de testament, ce qui est inhabituel pour quelqu’un d’aussi organisé. L’homme n’était pas un démuni. Il a affirmé avoir construit Yamoussoukro avec son « propre argent », pas avec celui de l’Etat. Le Vatican à qui il avait  fait don de la Basilique, n’en voulait pas compte tenu des frais annexes. Le Président Houphouët avait alors pris l’engagement d’assurer l’entretien de l’édifice pendant 30 ans !  Il avait à maintes reprises affirmé qu’il avait « sorti les Ivoiriens du trou », laissant entendre que ce territoire lui devait son développement et sa prospérité.

 

Comment alors comprendre que seuls 182 000 euros (environ 119 millions de francs CFA) ont été retrouvés sur l’ensemble de ses comptes en Europe, alors que la fortune de l’homme était évaluée entre 7 et 11 milliards d’euros ? Après avoir été silencieuse pendant vingt années, Marie Thérèse porte plainte contre X en 2013, au Tribunal de grande instance de Paris pour faux et usages de faux, recel d’escroquerie et recel successoral. Plus clairement, elle contestait le partage d’une somme de 65 milliards de francs CFA,  résultant de la vente des biens immobiliers du président répertoriés en France, partage dont elle fut exclue. 

 

 

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L’ambassadeur Georges Ouegnin (sur la photo)  murmurant à l'oreille du Président Houphouët. Il dit ne rien savoir  des biens laissés par son patron à la mort de ce dernier.  Difficile de le croire quand on voit ce genre d’images. La fusion entre les deux hommes était totale. Tout passait par l’ambassadeur, c’était lui  la  véritable tour de contrôle.


La mort du Président Houphouët ne fut pas brusque, il a fait trois ans de maladie (prostate). Toutes les personnes qui travaillaient pour lui ont vu venir la chose, tandis que peu à peu l’homme perdait ses aptitudes, et la mémoire. Chacun a eu le temps de retirer son épingle du jeu (soustraire au patrimoine ce qu’il pouvait) à commencer par l’ambassadeur Georges Ouegnin, même si l’homme s’en défend.

 

Des questions se posent cependant quant à la position de Thérèse dans son couple. Il est difficile de comprendre qu’après quarante années de mariage (elle a épousé le président en 1952), certaines questions  lui ont échappées, au point qu’elle sorte démunie (le mot vient  d’elle) après le décès de son époux.  Pourquoi durant tout ce temps ne pas avoir pris les devants pour « mettre au clair »  certaines choses ?  Pourquoi ne pas avoir mis les « vraies questions » sur la table immédiatement après la disparition du Président ? A-t-elle manqué de discernement ? Quelle était la vraie nature de ses liens avec le Président Houphouët au-delà de l’aspect officiel ? Leur mariage était-il « mort »  depuis longtemps ?

 

Des questions qui restent sans réponse, mais il semble que son pouvoir de décision était  limité. Les deux sœurs aînées du Président (Mami Faitai et Mami Adjoua ) étaient les plus écoutées.  Vers la fin  des années 80, Thérèse ne vivait plus au domicile conjugal, mais s’était fait bâtir une propriété sur la colline en face de la Riviera Golfe. C'est une propriété entourée de grands arbres, qu' on aperçoit juste avant d'entamer la descente vers le troisième pont. Elle et le Président Houphouët faisaient '' chambre à part '',  comme on le dit.


Les ivoiriens ont été consternés par cette affaire en justice. Pour beaucoup,  Marie Thérèse devrait  « laisser tomber » après autant d’années écoulées. Elle s’est finalement rangée à cet avis en retirant sa plainte. Lui a-t-on promis quelque chose en échange ? Ou s’est-elle rendue compte qu’elle n’était pas de taille à mener cette bataille ?  Certains (dont le grand mystificateur Chris Yapi) prétendent que c’est sur  insistance du couple Ouattara que la plainte fut retirée, la première dame Dominique Ouattara était parmi les personnes implicitement visées par la plainte,  en tant que gérante d'une partie du patrimoine immobilier du Président Houphouët. Bien sûr aucune preuve n'est avancée pour étayer cela.

 

 

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A 90 ans passés, Thérèse  Houphouët  continue  de  dégager une grâce et une beauté surprenantes. Pourquoi ne s’est-elle pas remariée ? Elle en avait parfaitement le droit, et certainement beaucoup de candidats ont discrètement tenté leur chance. C'est un immense sacrifice qu'elle s'est imposé à elle-même en refusant de se remarier. Cette femme a supporté avec dignité et bravoure de lourds fardeaux. Même aujourd’hui elle continue d’enflammer  l’imaginaire des Ivoiriens. 


Les relations de Thérèse avec les successeurs du Président Houphouët n’ont pas toujours été heureuses. Avec le couple Bédié du temps où ils étaient au pouvoir, les relations étaient assez froides. Il se murmurait qu’ Henriette Bédié voulait qu’elle s’efface de la scène au plus vite, car il ne pouvait avoir deux premières dames dans le pays. Ces dernières années on a vu le Président Bédié multiplié les égards envers cette dame. Veut-il se racheter ? 


Avec le couple Gbagbo, les relations étaient beaucoup plus chaleureuses. C’est le Président Gbagbo qui a pris un décret formel pour lui donner un statut (et bien sûr des indemnités) en tant qu’ancienne première dame. Avec le couple Ouattara, les relations sont correctes, sans chaleur excessive. Une chose est certaine, cette dame restera toujours profondément respectée et admirée des Ivoiriens. Elle restera toujours dans notre conscience collective, à l'image de l'homme dont elle porte le nom. Dieu la bénisse.

 

 

Henriette Bédié Née Koizan, la  seconde première dame , Décembre 1993 -Décembre  1999


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La ‘’ biche royale ’’ c’est le surnom que le Président Bédié a donné à son épouse  dans son livre auto biographique '' les chemins de ma vie'',  paru en 1997.  Ce livre est volumineux mais se lit très vite ( peu de substance) .  Sur la photo du couple ci-dessus prise dans les années 70, on se rend compte que la comparaison était assez pertinente. La beauté et la fraîcheur d’Henriette forcent l’admiration. L’homme aussi est très beau. Dans les années 70 et 80, Henri Konan Bédié, d’abord Ministre des Finances puis Président de l’Assemblée Nationale, était réputé être un « homme à maîtresses ».  

 

Toujours dans son livre, le Président Bédié se fait désigner lui-même sous le surnom de N’Zueba ou N'zuebali, qui signifie en langue Baoulé (centre de la CI), la pluie arrive. Dans un sens plus large, cela peut aussi vouloir dire les bonnes choses, les grâces arrivent, la pluie étant souvent associée à la bénédiction en Afrique. Conclusion, le président Bédié se voit comme celui qui est '' porteur de grâces''. 

 

Relativement inconnue du grand public, Henriette a commencé à s’afficher lorsque son époux a accédé au trône à partir de Décembre 1993. On la disait « wêrê-wêrê ».  Elle créa son ONG ‘’ Servir ’’ sur le modèle de l’ONG  ‘’N’DAYA’’ de Thérèse Houphouët, avec qui les relations étaient froides. Il se disait que les Bédié avaient hâte d’imprimer leur marque au pays. Or tant que Thérèse restait dans la place, les Ivoiriens seraient toujours nostalgiques du Président Houphouët. 

 

Vers la fin des années 90, les Ivoiriens n’avaient pas encore une idée vraiment tranchée sur cette femme, qu’on voyait pourtant beaucoup à la télé, dans ses activités caritatives avec son ong  SERVIR. En fait, on ne faisait pas vraiment attention à elle. Par contre, le fils Patrick Bédié commençait  à faire parler de lui.

 

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Le couple Bédié à la Cathédrale Saint Pierre et Paul de Daoukro 

en 1997

 

Henriette Bédié a-t-elle exercé une quelconque influence sur le  plan politique ? Pas  sûr, le Président Bédié est réputé imperméable aux conseils une fois qu’il s’est fait une opinion. En 1999, la tension était vive lorsque l’ancien Premier Ministre (le Président actuel), rentre au pays et affiche sa volonté de participer à la prochaine présidentielle, chose dont ne voulait entendre parler le Président Bédié. Selon les bruits qui ont circulé, Henriette Bédié  conseillait à son mari de laisser l’homme  se présenter, mais elle «  se faisait battre » en retour,  une réaction dû selon certains au « fort penchant » de N’Zueba vers la bouteille.  Le président Bédié est aussi réputé '' très proche" de son argent. 


Dans les premières semaines de son exil au Togo après le putsch éclair du 24 Décembre 1999 qui l’a renversé, une fois qu’il a pleinement réalisé ce qui lui était arrivé, le Président Bédié serait entré dans une rage terrible, dont son épouse fit les frais, selon les dires. 


De retour au pays en 2001, Henriette s'est faite discrète compte tenu de la situation assez volatile dans les années 2000. Après 2011, elle réactive son ong SERVIR vu les bons rapports de son époux avec le Président Ouattara (du moins jusqu'en 2018). Elle reprend ses galas, et recommence à s'afficher. Ses relations avec la première dame sont bonnes. Mais après la rupture entre les deux hommes en 2019, la Présidence lui coupe les vivres. On la voit plus rarement à l'écran. 

 

Le 08 Mars 2020, Henriette Konan Bédié, contre toute attente,  s’est rendue aux cérémonies officielles de la journée internationale de la femme, organisées à Anyama et présidées par Mne Dominique Ouattara. Sa présence a surpris, les présidents Bédié et Ouattara étaient désormais en confrontation ouverte dans la perspective d’Octobre 2020. Elle avait jusque-là boycotté les cérémonies présidées par la  première dame. Voulait-elle tenter un rapprochement ? Est-elle venue à la cérémonie avec ou sans l'accord de son mari ? 


 

Une femme toujours « jeune »  ?


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Le 17 Mai 2018, le couple Bédié a célébré ses soixante ans de mariage. Sur la photo de la cérémonie ( ci-dessus), le poids de l'âge est frappant ( 82 ans pour la femme et 86 pour l'homme). Pourtant Le 12 Septembre 2020, lors de l’investiture du Président Bédié à Yamoussoukro dans l'optique de la présidentielle, portant un pantalon jean, Henriette Bédié a dansé sur le podium, en compagnie du duo Yodé et Siro. On lui aurait donné la trentaine.  


Cette dame fut longtemps accusée par ses sœurs ivoiriennes d’user à l’excès des produits cosmétiques éclaircissants afin de paraître toujours jeune. Il  semble être dans sa nature de toujours « faire jeune ». Malgré le poids de l’âge, elle est  toujours portée sur le « show »  comme le disent les jeunes. C’est une inconditionnelle de l’artiste Meiway, dont elle ne rate jamais un concert, et ne se prive pas de danser. On notera qu’il prend souvent ouvertement position en faveur du Président Bédié. Au lendemain du coup d’Etat de 1999, les  nouvelles autorités se sont rendues dans sa villa à Koukourandoumi (région d’Aboisso). On a vu qu’une boîte de nuit se trouvait dans la propriété, preuve du côté festif de la maîtresse des lieux. C’est ce côté qui lui donne cette apparence « d’éternelle jeune fille ». 

 

Aujourd’hui encore, Henriette Bédié ne suscite pas d’opinion tranchée dans la population.  Encore une fois, on ne fait pas vraiment attention à elle. Mais il faut rendre hommage à cette brave mère. Le Président Bédié est le seul de nos cinq présidents à être resté avec la femme de sa jeuneuse, avec qui il a eu tous ses enfants. C’est à saluer, les quatre autres se sont tous remis avec une autre.  Henriette Bédié aurait été une plus grande bénédiction pour son époux si ce dernier avait fait « plus attention » à ses avis, notamment en 1999, cette année charnière.  Même si elle ne déchaîne pas les passions, on peut le dire aujourd’hui, les Ivoiriens « l’aiment bien ». Dieu la bénisse.

 

 

Rose Gueye Née Doudou , la troisième première  dame, de Décembre 99 à Octobre 2000

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Sur la photo ci-dessus, la troisième première dame du pays donne une impression de fragilité, tout le contraire de sa personnalité, téméraire, trempée, dure, portée sur l’offensive. D’ascendance sénégalaise par son père (Casamance), et ivoirienne par sa mère (Daloa), Rose Gueye était institutrice dans l’école primaire située dans l’enceinte du camp Gallieni au Plateau. Femme au caractère trempé, Rose Guye  s’opposait de façon frontale à son supérieur hiérarchique, le directeur de l’établissement où elle enseignait.

 

A partir de 1990,  lorsque son époux le Colonel Robert Gueye devient Général, puis Chef d’Etat-Major des armées, Rose Gueye devient la « terreur » de ce directeur d’école, et aussi de l’inspecteur de l’enseignement primaire duquel elle dépendait. Leurs désaccords remontaient fréquemment au ministre de l'Éducation nationale de l’époque, feu Bamba Vamoussa. C’est dire le caractère déterminé de cette femme.

 

Relativement belle et gracieuse, Rose Gueye était plus grande et plus corpulente que son époux. Elle dégageait une certaine présence, et avait une forte influence sur le Général Gueye, homme calme et consensuel, mais dont l'intelligence ne semblait pas être au dessus de la moyenne vu les erreurs tactiques graves qu'il a accumulées, et qu'il a fini par "payer cash". Il faut dire que dès 1995, le Général Gueye était dans le viseur du pouvoir du Président Bédié, des soupçons pesaient sur lui. Mais il fut laissé relativement libre de ses mouvements.  L’a-t-elle encouragé à « passer à l’action » le 24 Décembre 1999 ? Beaucoup l’affirment.

 

On peut se souvenir que lorsque le général Gueye fut nommé Ministre des sports en 1996, il était  toujours en compagnie de son épouse dans ses sorties. Après sa prise du pouvoir le 24 Décembre 1999, Rose Gueye était très en vue, comme si elle voulait rattraper le temps perdu, multipliant ici et là les rencontres avec les organisations féminines, s’investissant pleinement dans  les campagnes de vaccination contre la polio.  Elle ne se privait pas de dire haut et fort que  « c’était le peuple qui avait placé  le général Robert Gueye au pouvoir ». 

 


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Sur la photo ci-dessus, on la voit en déplacement officiel avec son mari. Son poids dans les décisions de l'homme avait été remarqué par tous. Elle avait commencé à susciter un rejet au sein de l’opinion, car on la sentait trop impliquée. La rumeur prétendait qu'elle avait été pour beaucoup dans la décision de son mari de se porter candidat à la Présidentielle d’Octobre 2000, alors qu’au  départ, il avait été catégorique sur le fait qu’il quitterait  le pouvoir au terme de la transition, disant être venu "balayer la maison" et repartir.


Donné perdant à cette  présidentielle, le Général Gueye refuse sa défaite et se proclame président. Les Médiateurs qui ont tenté de le raisonner, ont mentionné la farouche volonté de Rose Gueye de ne pas voir son mari « céder ». Finalement sous la pression de l’armée, le Général Gueye s'enfuit  au terme de deux jours de confusion et de combats.

 

 

Le meurtre de Doudou Rose Gueye

 

Dans la nuit du 18 au 19 Septembre 2002, des combats éclatent  simultanément dans les casernes d’Abidjan, de Korhogo et de Bouaké entre les troupes gouvernementales et des militaires qui s’étaient mutinés. Si les casernes de Korhogo et de Bouaké sont prises sans difficultés, à Abidjan les combats sont intenses. Lorsque les hostilités ont commencé, le Général Gueye s’est réfugié à la Cathédrale Saint Paul d’Abidjan au Plateau, son domicile n'étant pas loin de là. Un commando des troupes gouvernementales est allé l’extraire,  pour le conduire vers son exécution avec ses gardes de corps. Rose fut exécutée au domicile familial avec plusieurs domestiques.  Que lui reprochait-on ?


L’implication du Général Robert Gueye dans le déclenchement de la mutinerie (qui est devenue une rébellion par la suite) a été avancée par le pouvoir de l’époque pour justifier son exécution,  ce qui peut parfaitement se comprendre. Le Général Gueye même s’il n’était pas forcément impliqué dans la préparation du complot, en a eu vent et comptait certainement en tirer profit d’une manière ou d’une autre, à l’image de ce qui s’est passé le 24 Décembre 1999. 


En revanche pour son épouse aucune explication officielle n’a été  fournie. Ce meurtre peut difficilement se justifier. Cette dame avait certes une influence sur le général Gueye, mais ce dernier n’était ni un enfant, ni un robot. C’est dire qu’en dernier ressort, les décisions lui revenaient. La rendre responsable et l’exécuter en guise de représailles est un crime qu’il faut dénoncer. Ceux qui l’ont commandité  ne doivent en aucun cas en être  fiers ! Ce ne sont pas des "braves guerriers" ! Ce crime n' a pas été vraiment dénoncé avec force, même aujourd’hui où nous avons des autorités qui prétendent vouloir « réhabiliter » le Général. Le meurtre de Doudou Rose Gueye est mentionné seulement "au passage". C’est une injustice qu’il faudra corriger un jour car elle n' a pas été suffisamment dénoncée. Cette femme n'avait pas à payer pour ce qui s'est passé cette terrible nuit.

 

 

Simone Gbagbo Née Ehivet,  première dame  d' Octobre 2000 à Mars 2011


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Le couple Gbagbo en 1990, dans les tous premiers meetings après la légalisation des                                         partis  politiques.  


S'il y a une ex-première dame qui continue de focaliser l'attention, c'est bien Simone Gbagbo. Sur la photo, on peut voir le couple Gbagbo au début des années 90. Derrière cette apparente complicité, l’homme entretenait beaucoup d’aventures extra conjugales, et commençait à s’agacer du  fort engagement de son épouse dans la gestion de son parti.



Dans les années 2000, quand on lui demandait pourquoi elle continuait son engagement politique alors que son mari était président, la réponse de Simone a toujours été directe. Son engagement était antérieur à sa rencontre avec l'homme, disait-elle. Celui-ci l’avait rencontrée alors qu’elle militait déjà clandestinement à la création d’un syndicat d’enseignant autonome. Elle a aussi présidé à la création du Front populaire ivoirien au début des années 80 dans la clandestinité. Ce n’est donc pas parce qu’il est devenu président qu’elle va « ranger  sa vie politique dans un placard ». 

 

Cet engagement ne se démentira jamais.  Bien qu’elle n’occupait pas les devants de la scène, Simone Gbagbo a toujours eu une emprise sur le parti de son époux, de par son caractère déterminé, qui à  bien des égards rejoint celui de Doudou Rose Gueye. Elue  député d’Abobo en 2001, après une tentative infructueuse en 1996, elle pesait sur les décisions plus que le premier ministre de l’époque , Affi N’Guessan.

 

Mais en 2001, le Président Gbagbo organisait au centre des métiers de la sodeci (situé à Yopougon) , son mariage traditionnel en grande pompe avec l’une de ses maîtresses, Nadiana Bamba. La presse officielle ne fut pas invitée, mais les journaux de l’opposition ont relaté la cérémonie, insistant sur le fait que le président donnait « le mauvais exemple » aux jeunes.  Rampante dans les années 90, la « polygamie »  de l’homme est devenue ouverte dès ce moment, car Nadiana Bamba disposait de bureaux au Palais présidentiel et exigeait de se faire appeler ‘’ première dame ’’, mettant ainsi le personnel de cette institution dans l' embarras, selon les infos qui circulaient. C’était une situation inédite dans l’histoire de ce pays.

 

 

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Simone, Laurent et Nadiana Bamba dans les années 2000.

Etre délaissée par son époux au profit d’une autre  reste toujours une  situation douloureuse pour une femme. Le calvaire conjugal de Simone prit une dimension publique, le président Gbagbo ne  ratait jamais une occasion de montrer que la page était  tournée. Mais elle s’accrochait  néanmoins. Pour certains, son caractère dur et impérieux a fini par amener son mari à "porter ses regards ailleurs". Car l'homme doit dominer la femme, or Simone n'est pas une femme qui se laisse dominée,  mais s'impose. 


Si cette explication n'est pas à écarter, il faut aussi souligner qu'un certain Blé Blé Charles, ami de jeunesse du Président Gbagbo ( assez connu dans le monde politique), l'a souvent décrit comme ayant ''un fort penchant pour les jeunes dames''. Dans les années 2000, malgré le « mariage » avec Nadiana Bamba, la rumeur attribuait au Président Gbagbo des liaisons avec plusieurs jeunes dames, très en vue dont on va taire les noms. N'oublions pas aussi qu'avant de rencontrer Simone, l'homme a eu plusieurs enfants de mères différentes, qu'on ne peut pas accuser d'avoir eu un fort caractère. C'est dire que sa « quasi-rupture » avec Simone n’est pas entièrement à mettre sur le seul compte de celle-ci.


A partir de 2007, on a prêté à Simone une liaison  avec William Attebi, député de Yopougon, grand, corpulent, bel homme,  très en vue dans les médias.  L'homme semblait n'avoir peur de rien, avec une totale liberté de ton. Mais au cours de l’année 2008, il disparaît brutalement de la scène pendant de longs mois. Plus tard dans une interview, il explique avoir été enlevé par des hommes en armes, le visage encagoulé, qui l’ont conduit de nuit dans la forêt du banco. Ils auraient menacé de le tuer, mais l’auraient finalement épargné, lui intimant  l’ordre « de se tenir désormais tranquille », car il n’y aurait pas de « second avertissement ». Ils n'ont pas précisé ce qu'ils lui reprochaient exactement.


Il dit avoir connu la peur de sa vie. Était-ce une mise en garde ? Le Président Gbagbo était-il derrière la manœuvre ? Personne ne le saura. Mais le message semble avoir porté car l'homme s'est totalement éclipsé pour ne réapparaître que trois années plus tard, durant la crise électorale de 2011. 

 

 

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Simone Gbagbo sait aussi se faire belle, ici lors d’une cérémonie

traditionnelle dans sa ville de Bonoua  en 2006.

 

Bien que n’ayant pas créé d’organisations caritatives comme ses consœurs,  Simone Gbagbo a néanmoins été à la base d’initiatives en faveur des femmes sur le plan judiciaire. Il y a l’accélération du traitement des cas de viols et de violences conjugales, avec un durcissement des peines. Et l’accélération des procédures de saisie des salaires des militaires, policiers, et gendarmes qui refusent de s’occuper de leurs enfants. Ces initiatives qui n’ont pas été médiatisées, montrent bien que Simone reste avant tout une mère. C'est un héritage qu'on lui doit, car ces dispositions sont toujours en place.

 

La presse française la qualifiait de « méchante sorcière » ou de « femme mafieuse » dans les années 2000, surtout après les évènements de Novembre 2004. On disait qu’elle avait à sa solde des milices, ou des commandos de l'armée.  Après la crise post-électorale de 2010-2011, elle fut accusée d’avoir incité son mari à ne pas reconnaître sa défaite. Certains journaux l’ont qualifiée de « reine jézabel ». Pour beaucoup, elle visait la succession de l’homme à la tête du pays. 


Incarcérée, puis libérée des années après, elle a dénoncé des tentatives de viols dont elle fut l’objet. Elle reste sous le coup de plusieurs condamnations après trois procès. Oui, cette femme a reçu beaucoup de coups dans sa vie. Elle dit détenir sa force de sa « foi en Dieu », elle était très proche des milieux évangéliques lorsqu'elle était première dame. Mais depuis sa disgrâce, beaucoup de leaders de ces communautés lui ont simplement tourné le dos comme si elle était indésirable, ou peut-être parce qu'elle n'a plus de "liquidités" comme auparavant.

 

Femme d’engagement et de conviction, avec un caractère masculin diront certains, Simone Gbagbo Ehivet reste une personnalité clivante, une " dure go" comme le disent les jeunes. On l’aime fortement ou on la déteste fortement. Il n' y a pas d’opinion neutre sur cette femme, aujourd’hui clairement engagée  dans un bras de fer avec son époux. Avant son retour en CI, le Président Gbagbo avait donné l’ordre à ses fidèles  de prendre leurs distances avec elle. Mais Simone a le soutien de la base du parti, et même des cadres, bénéficiant plus de compassion (du fait de son image d’épouse rejetée), que de ralliement. Les militants désavouent le Président Gbagbo, estimant  qu’il est injuste envers celle qui a partagé ses moments d’épreuves.  


Simone reste ainsi  une épine dans le pied de l’homme qui visiblement ne pourra pas se débarrasser facilement d’elle. Quatre jour après son retour en Côte d'Ivoire, le Président Gbagbo a introduit une demande de divorce le 21 Juin 2021, suscitant une incompréhension générale, et même une certaine réprobation. Une chose reste certaine, Simone n’a pas renoncé à ses ambitions politiques. Pour beaucoup, elle a vu que la patience de son mari a fini par payer.  Ainsi vise-t-elle le pouvoir suprême, son esprit étant "verrouillé" sur cet objectif. Ceux qui lui sont intimes disent qu'elle ne  « lâchera jamais le morceau ». 


A 71 ans elle estime avoir les cartes en main pour rebondir, et veut croire qu'elle a son avenir politique non derrière mais bien devant elle. Recevant le 08 Avril dernier chez elle à Bonoua les femmes l' association '' Ehivet Capable'' ( un club de soutien ) , Simone déclara : " si vous dites que je suis capable, alors je dois démontrer que je suis capable". Voilà qui est clair.

 

 

Dominique Ouattara Née Nouvian , première dame , depuis Mars 2011

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