Hamed Bakayoko : un "complot" ou un "génie malfaisant" à la primature ?
Abidjan le 19 Mars 2021
Hamed Bakayoko, premier Ministre du 30 Juillet 2020 au 08 mars 2021. L'homme s'éteint le 10 Mars 2021
à la suite d'un cancer.
Le 10 Mars 2021, la Côte d’Ivoire a perdu Hamed Bakayoko, son flamboyant Premier Ministre, officiellement décédé d’un cancer foudroyant, au centre hospitalier universitaire de Fribourg en Allemagne où il avait été admis. Son prédécesseur Amadou Gon Coulibaly est décédé huit mois plus tôt, le 08 Juillet 2020 d’un arrêt cardiaque. Lorsque les évènements s’enchaînent ainsi, la psychose gagne facilement les esprits, et la population ne veut pas croire en une coincidence, ce qui laisse la place libre à toutes sortes de théories.
Ainsi beaucoup de théories ont circulé sur la disparition d’Hamed Bakayoko. Empoisonnement ? Ensorcellement ? Complot ? ‘’ Mauvais génie’’ à la Primature ? A qui le tour ? Pourtant quand on regarde les faits de près, la polémique actuelle s’explique difficilement, on n’arrive pas à comprendre pourquoi autant de bruits sur les causes de la disparition de cet homme.
La disparition d’Amadou Gon Coulibaly
Amadou Gon Coulibaly est décédé d’un arrêt cardiaque. Il avait subi une première opération du cœur en 2012, qui n’était pas connue de l’opinion. En 2017, après sa nomination au poste de PM, il s’est rendu à Divo pour parrainer des cérémonies dont l’inauguration d’une école. C’est dans cette école qu’il a été pris d’un malaise cardiaque, et faillit s’écrouler. Le cliché pris de la scène a fait le tour de Facebook. Les journaux ont d’abord spéculé sur le fait qu’il était ivre, puis ses ennuis cardiaques, y compris son opération, ont été révélés. Dès ce moment on savait l’homme fragile du cœur.
En Juin 2020, il était négatif au covid-19 quand il s’est rendu en France pour des « contrôles suite à un malaise cardiaque ». Il a subi une nouvelle opération, on lui a mis un ‘’stent’’ (un petit tuyau) dans le cœur. Le coronavirus entraîne la formation de caillots dans le sang, ce qui ralentit la circulation sanguine. Le ‘’ stent ‘’ crée un passage plus large afin que le sang puisse facilement circuler dans le cœur.
L’opération était une action préventive contre le coronavirus. Le passage du sang au niveau de son cœur ne devait pas être entravé s’il contactait le covid-19. Or en ouvrant son cœur pour une seconde fois (après l’opération de 2012), on réduisait ses chances de survie à long terme. Ainsi moins d’une semaine après son retour sur Abidjan, son cœur s’est arrêté de battre. Faut-il y voir de la sorcellerie, une main occulte, une pratique rituelle franc-maçonnique dans cette disparition ? Où se trouve la trace d’un complot ? S’il y a des gens à blâmer, c’est bien l’équipe médicale française qui a pris la décision de lui poser ce ‘’stent’’. C'est à eux qu'il faut demander des comptes. Mais bien évidemment ils n'ont fait que leur travail, étant entendu que la médecine n'est pas une science exacte.
La disparition d’ Hamed Bakayoko
Le PM Hamed Bakayoko est officiellement décédé d’un cancer du foie avec métastase dans le sang, (un cancer qui s’est propagé au sang). Ce diagnostic a été remis en cause par une partie de l’opinion, qui penchait pour la « thèse de l’empoisonnement » et réclamait une autopsie.
L’hôpital américain de paris, l’hôpital universitaire de Fribourg en Allemagne, qui ont établi ce diagnostic, sont des structures qui ne peuvent subir aucune pression de la part d’un gouvernement occidental, à fortiori d’un gouvernement africain. Un diagnostic peut être rendu public ou pas à la demande du patient, de sa famille, ou des autorités si c’est une personnalité politique. Mais il ne peut en aucun cas être modifié.
Ces structures jouent leur réputation, elles n’ont rien à faire de nos problèmes intérieurs, elles ont des protocoles strictes qu’elles ne vont pas modifier sur notre demande. Elles ne produiront jamais un faux diagnostic pour répondre à des impératifs politiques d'un gouvernement quel qu'il soit. C'est dire que si le PM Hamed Bakayoko était décédé d'un mal autre que le cancer du sang, cela aurait figuré dans leur communiqué. Ainsi il n' y a aucune raison de remettre en cause le diagnostic qui a été établi. D'autre part, on procède à une autopsie lorsque la cause et les circonstances de la mort ne sont pas connues avec certitude. Ce n’était pas le cas pour Hamed Bakayoko.
Une vie d’excès
Hamed Bakayoko était un « golden boy » comme on l’a entendu dire. Il avait les moyens, et ne s’est pas privé d’un certain nombre de choses. A certains égards, ce garçon menait une vie d’excès, en ce qui concerne les boîtes de nuit, les virées nocturnes, les soirées mondaines organisées à domicile avec des orchestres, où l’alcool et les " substances récréatives " étaient consommées sans modération.
Or la consommation excessive d’alcool prédispose au cancer et la cirrhose du foie. De même la consommation excessive de tabac prédispose au cancer des poumons, la consommation excessive des boissons énergisantes (‘’Red Bull‘’ et autres) prédispose à l’arrêt cardiaque, et la consommation excessive des « substances récréatives » prédispose à la dégénérescence mentale. L’alcool attaque le foie c’est établi.
Le cancer d’Hamed Bakayoko fut rendu public en Mars, c'est dire que l’homme en était informé bien avant. Il se rendait régulièrement en France pour des check-up (bilan global de santé), il est impossible que cela n’ait pas été diagnostiqué durant ces examens, compte tenu de l'avancée des techniques de dépistage aujourd'hui. La chose devait aussi être connue d’un cercle restreint au sommet de l’Etat, et certainement de son épouse.
Il faut se rappeler que le cancer qui a emporté l’artiste jamaïcain Bob Marley avait été diagnostiqué en 1977, pourtant l’homme est décédé en 1981. Dans cet intervalle de quatre années, il faisait des tournées internationales, tout paraissait normal à son niveau, personne ne savait qu’il avait ce mal. Du diagnostic à sa phase terminale, un cancer peut évoluer sur de nombreuses années.
Aujourd’hui grâce à la chimiothérapie, on ne meurt plus systématiquement d’un cancer. Tout comme le SIDA, les cancers ne sont plus une fatalité. Des traitements existent selon les cancers. Tout porte à croire qu’ Hamed Bakayoko en suivait un dans le secret. Cela explique ses séjours réguliers en France. Mais le cancer peut aussi brusquement accélérer vers sa phase terminale, il devient alors foudroyant. C'est quelque chose qui échappe encore à la science. Et là les remèdes n’agissent plus. Il faut une transplantation d’un nouvel organe si cela est possible. Ce fut le cas d’Hamed Bakayoko. Il lui fallait un nouveau foie.
Le foie régule les particules qui pénètrent dans le sang. Lorsqu’il ne peut plus assurer cette fonction, alors toute sorte de particules se retrouve dans le sang, qui devient ainsi nocif pour tout l’organisme. Et c’est la fin. Officiellement, l'état dégradé d’Hamed Bakayoko ne permettait pas la greffe d’un nouvel organe. On peut se demander pourquoi avoir attendu la dernière minute pour envisager la transplantation d’un nouveau foie ? Pourquoi ne pas l’avoir envisagé lorsque l’individu avait encore pleinement ses capacités ? Les médecins sont les seuls à pouvoir répondre.
Un complot ?
Tout comme la disparition d’AGC, faut-il voir dans celle d’Hamed Bakayoko de la sorcellerie, un envoûtement, un empoisonnement, une main occulte, un rituel franc-maçonnique , un complot, ou un « génie malfaisant » à la primature ? Pourquoi vouloir forcément « lire dans les étoiles » les causes de la mort de l’homme ? Hamed Bakayoko a peut-être fait une indigestion suite à la consommation d’un aliment, mais une indigestion ou un empoisonnement ne peuvent pas être la cause d'un cancer.
Les théories du complot se vendent bien en Afrique parce que les Noirs sont très crédules. Ils sont portés vers la croyance et non vers les faits. On n’a pas besoin de leur faire la démonstration pour qu’ils croient en quelque chose. Le sens du discernement, du questionnement est assoupi dans l’âme africaine. Il n’y a pas que le peuple, les présidents africains aussi fonctionnent selon ce schéma de pensée.
Dans le foisonnement des théories sur la disparition du PM, la palme revient à un certain Chris Yapi, véritable prophète des complots, dont les vidéos sur Youtube ne sont que des déclarations unilatérales, des extrapolations, des constructions grammaticales, accompagnées d’une musique dramatique qui crée une atmosphère de mystère. Il met en relation des faits qui se sont produits dans des contextes différents, et n'ayant aucun rapport entre eux. Aujourd'hui presque toute la population avale "religieusement'' les théories qu'il balance sur le net. Dans son sillage, plusieurs se sont aussi proclamés ces derniers temps des « révélateurs de complots », et ils ont une forte audience. Rien n'est étayé, tout n'est qu' affirmation que l'on doit tout simplement croire. Fort heureusement, toute cette ferveur est en train de se dissiper, preuve qu'il n' y a rien de solide en dessous.
Hamed Bakayoko a servi son pays au sommet, nous saluons sa mémoire. Douglas Mountain.
Commentaires
Enregistrer un commentaire