L'armée ivoirienne et ses différents Chefs d'Etat-Major

 Le choix du Chef d’Etat-Major des Armées (cema) aujourd’hui


Le Chef d’Etat-Major des Armées (cema) est un personnage clé dans les pays  où l’ordre constitutionnel est susceptible de basculer.  Choisir le cema peut s’avérer compliqué pour un pouvoir contrairement à ce que l’on pense. Un cema trop populaire au sein de l’armée peut constituer un « danger ».  A l'inverse un cema qui a une « faible » autorité sur les troupes ne représente certes pas une menace, mais en cas de nécessité, on ne pourra pas compter sur lui. Cela signifie que le véritable homme qui a l’adhésion des troupes est quelque part tapi dans l'ombre, ce qui est tout aussi dangereux. Enfin le cema doit être un stratège et un tacticien établi. On peut être admiré des troupes, être fidèle au régime, et se montrer incompétent au combat. Cela est déjà arrivé dans l'histoire récente de la CI.


Jusqu’en 1990, le pays était relativement « tranquille et calme ». Le cema était un « fonctionnaire » sans plus, son rôle était purement administratif. A partir de 1990, la contestation gagne le pays, et l’armée est traversée par les mêmes courants qui agitent la société.  Le choix du cema devient délicat.

 

Depuis son indépendance, la CI a connu douze Chefs d’Etat-Major des Armées (cema). Tous n’ont pas eu le même impact sur la vie de la nation. Les trois premiers cema, 1- le Général Ouattara Thomas d’Aquin (1960-1974),  2-le Général Ibrahima Coulibaly (1974-1979), et 3- le Général Bertin Zézé Baroan ( 1980-1987), n’ont « rien eu à faire » ou presque, excepté peut-être Thomas d’Aquin qui était en poste au moment de la répression au Guébié en 1970.  Signalons aussi la tentative de putsch déjouée in extremis en 1974. Sans doute explique-t-elle la mise sur la touche de l’homme cette année. Hormis ces deux évènements, l'actualité militaire fut assez calme en CI jusqu'en 1990. 


4- Le Général Ory Félix  (1987-1990)


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Le général Ory Félix, cema de 1987 à 1990. Il était en

Désaccord avec le Président Houphouët sur l’approche

A adopter devant les manifestations de masse de 1990.


En 1987, le Général Félix Ory remplace au poste de cema le Général Bertin Zézé Baroan, nommé ambassadeur au Brésil. Ory Félix jouissait d’une certaine popularité, mais passait pour quelqu’un de « nerveux ». La grogne commençait peu à peu à monter au sein de la population, la corruption du régime du Président Houphouët était ouvertement dénoncée car la crise s’installait.

 

 

En 1990, éclatent en CI comme dans toute l’Afrique, des manifestations massives pour réclamer le multipartisme. Le bruit court que des soldats togolais sont présents pour réprimer les manifestants. Le Président Houphouët dément leur présence, mais reconnaît que le Togo « lui a promis  des soldats en cas de nécessité». Cela montre qu'il n'avait plus confiance en l'armée ivoirienne. En fait il y avait un désaccord entre lui et le cema, sur l’approche à adopter face aux manifestations.  Mais ce qui fut fatal à Ory Félix, ce n'est pas cette différence d'approche, mais bien la mutinerie qui a éclaté en Juin 1990.  Elle est partie du premier bataillon d’infanterie d’Akouédo, alors commandée par un certain Doué Mathias, un officier qui fera beaucoup parlé de lui plus tard.

 

Les soldats exigeaient  « quelque chose » sur leurs soldes. Pour rappel, après des manifestations massives, le Président Houphouët avait reçu les «  loubards » et leur avait remis « quelque chose ». Les soldats voulaient le même traitement. Appelé d’urgence de Korhogo, Le colonel Robert Gueye (il n’était pas encore général), réussit à ramener les soldats dans les casernes. Une forte pluie était tombée sur Abidjan ce jour, empêchant la population de sortir. C’est en regardant le journal télévisé du soir que beaucoup d’Ivoiriens ont eu connaissance de l'événement.

 

La nomination de Robert Gueye au poste de cema est intervenue quelque mois après. Visiblement c’était sa « récompense », et inversement une sanction pour son prédécesseur, le Général Ory Félix, nommé ambassadeur en Argentine. Le pouvoir ivoirien a-t-il tiré tous les enseignements de cet évènement ? Pas si sûr, car neuf années plus tard, une  mutinerie du même type fera tomber le régime en place, ce sera le putsch du 24 Décembre 1999.

 

 

5- Le Général Robert  Gueye (1990-1995)


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Le Général Robert Gueye, cema de 1990 à 1995. Il reste dans 

la Mémoire collective le visage du putsch du 24 Décembre 

1999. Il perdit la vie au cours des événements de Septembre 

2002.


Une fois nommé cema, le Colonel Robert Gueye par contre tira tous les enseignements de l’évènement en faisant muter Doué Mathias au japon en tant qu’attaché militaire. Il comprit qu’il fallait éloigner cet officier certes compétent, mais obscur et rusé. Promu plus tard Général, Robert Gueye a été beaucoup critiqué lorsque l’armée ivoirienne n’arrivait pas à empêcher le conflit civil alors en cours au Libéria, de déborder en territoire ivoirien.

 

Une mutinerie d’officiers (et non de soldats) éclata en 1993.   Elle n’a pas eu raison de Robert Gueye, il fut maintenu cema, alors que les mutins réclamaient son départ.  Signalons que les éléments du 43ème BIMA (le contingent français en CI)  s’étaient déployés dans la commune du plateau le jour de cette mutinerie, un message pour signifier aux mutins que la France « suivait la situation de près ».

 

En Décembre de cette même année, le Président Houphouët décède. Le duel pour sa succession s’engage aussitôt entre le Premier-Ministre Ouattara Dramane, et le Président de l’Assemblée Nationale (PAN), Henri Bédié.  Robert Gueye se range du côté du PAN. Un appui décisif. Car après avoir annoncé ce décès à la télévision, le Premier Ministre avait positionné un corps d’élite de la police devant la structure. Or le même soir, le PAN descend à la télévision avec un corps d’élite de la gendarmerie, il interrompt le journal télévisé de 20h et se proclame Président de la République.  


Que se serait-il passé si le cema avait choisi le camp du Premier Ministre ? Les choses auraient été fort compliquées pour le PAN. Il n’aurait pas eu accès à la télévision pour se proclamer Président. La lutte de succession ne se serait pas dénouée aussi « rapidement » pour lui. 

 

Pourtant  les relations entre le cema Robert Gueye et le nouveau Président Bédié Konan vont se dégrader lentement. L’opposition avait lancé  un « boycott actif » de la présidentielle de 1995, ce qui engendra des troubles. La veille de la  présidentielle, Robert Gueye est démis de ses fonctions de cema, et remplacé par le Vice-Amiral Timité Lassana. Il est soupçonné de vouloir renverser le régime.  Il est nommé ministre des sports en 1996, puis à nouveau démis quelques mois plus tard.  Une enquête officielle est ouverte pour tentative de subversion, puis est abandonnée. Mis à la retraite 1997, Robert Gueye « se retire »  dans sa région natale.

 

On sait que le Président Houphouët éloignait les anciens cema du pays en les nommant ambassadeur dans des pays lointains. Or le Président Bédié Henri n’a pas procédé de la sorte avec Robert Gueye. Il l’a laissé relativement libre de ses  mouvements.  Les évènements montreront que ce fut une erreur grave. 

 

 

6- Le Vice-Amiral Timité Lassana (Octobre 1995-Décembre 1999)



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Le Vice-Amiral Timité Lassana, cema de 1995 à 1999.  Sa couardise, Son 

incapacité tragique à mettre en œuvre une réaction face à une mutinerie

qui n'avait rien d'un événement fatal,  ont conduit à la chute du régime 

en place le 24 Décembre 1999, faisant  basculer le pays dans une longue

période de confusion et de chaos.



Assez peu connu, Timité Lassana  commandait la marine ivoirienne, une marine du reste assez démunie. On ne sait pas les raisons qui ont présidé à ce choix, et on ne peut pas dire que l’homme a brillé à ce poste. Sa première erreur fut de faire revenir Doué Mathias du Japon pour occuper un poste à l’Etat-Major, puis devenir une année plus tard directeur de cabinet du Ministre de la défense. S’il s’était correctement renseigné, il aurait compris les raisons qui avaient amené son prédécesseur  à éloigner ce garçon.

 

Dans la nuit du 22 au 23 Décembre 1999,  dans un climat politique tendu, une mutinerie éclate. L'État-Major de l'armée se volatilise tout simplement. On peut comprendre que Timité Lassana n’a pas été incapable de voir venir l’événement. Mais c’est surtout l’absence de réaction qui est difficile à expliquer.  Les mutins désiraient certes avant tout s’adresser au Président de la République, mais en tant que cema, il pouvait de sa propre initiative prendre certaines dispositions « préventives » dans l’attente de cette « entrevue ». Toute la nuit du 23 Décembre 1999 aurait dû être mise à profit pour mettre en œuvre une riposte.

 

Il était possible de déloger les mutins de certains points stratégiques, dont la télévision et la radio. Des troupes pouvaient être acheminés de Bouaké durant la nuit et prendre position dans la capitale au petit matin. On sait que  les unités du camp commando de Koumassi, de la garde républicaine de Treichville, et de la BAE de Yopougon étaient prêtes à intervenir, des unités qui pouvaient parfaitement faire la différence. Dispersés dans la ville, les mutins n’auraient pas fait le poids face  à  un « assaut compact ».  Ils auraient été incapables de se regrouper. Pourtant aucune coordination, aucune cellule de crise ne s’est mise en place. Ce vide fut fatal au régime.

 

Tout le monde a cru que ces événements allaient se terminer comme en 1990. Pourtant on a oublié qu’en 1990, tout a été mis en œuvre pour recevoir rapidement les mutins.  Dès 15h, le Président Houphouët les avait reçus, et à 18h, tout était terminé. Or en Décembre 1999, la mutinerie a commencé dans la nuit du 22 au 23, et les mutins n’ont été reçus que le lendemain 24 Décembre vers 10 heures par le Président Henri Bédié !  C’est dire qu’ils ont eu le temps de faire évoluer leurs exigences, qui au départ ne concernaient que des primes.

 

Timité Lassana était ce qu’on peut appeler un « cema administratif », juste un fonctionnaire. Il n’était ni stratège, ni « guerrier ». Il n’a fait preuve d’aucun engagement. Les mutins n’auraient  certainement pas poussé l’audace jusqu’à démettre le Président, sachant qu’ils avaient en face des unités prêtes au combat. Absolument rien n’a été entrepris pour leur opposer la moindre résistance. Au petit matin du 24 Décembre 1999, ils étaient totalement maîtres de la capitale. Timité Lanssana n’est pas le seul à blâmer, mais en tant que cema au moment des faits, sa responsabilité dans ce qui  s’est produit est profonde.

 

 

7- Le Général Diababagaté Soumaila (Janvier 2000 - Octobre 2000)

 

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Le Général Diabagaté Soumaila, cema durant  la  transition  militaire de  Janvier   

à Octobre 2000.  Malgré toute l’énergie qu’il déployait, iI n’avait aucune emprise

 sur l’armée.


A partir du 24 Décembre 1999, la CI entre dans une période qu’on a défini comme la transition militaire.  Le Général Diabagaté Soumaila est le nouveau cema nommé par le Président de Transition et nouveau chef d’Etat,  le Général Robert Gueye. La transition dura dix mois (Janvier à Octobre 2000). Ce fut une période de confusion et de chaos.  

 

 

Diabagaté Soumaila était quelqu’un de sérieux, de travailleur, mais il n’avait pas la capacité de mettre fin au désordre. Tous les militaires étaient dans les rues, armes à la main. L’autorité de l’Etat était « en décomposition ». C’était un moment de flottement total. Ni le cema, ni le Général Gueye lui-même n’avaient une réelle autorité sur l’armée.

 

 

C’est le Colonel Doué Mathias (Général plus tard) qui était le plus populaire auprès des troupes.  C’est lui qui avait piloté la mutinerie qui a conduit à la chute du régime de Bédié. Selon la rumeur, c’est lui qui devait se présenter à la télévision et se proclamer le nouveau Chef de l’Etat. Mais il n’a pas eu le cœur de franchir ce pas,  laissant  la «  suite des événements »  à Robert Gueye. Regrettait-il de ne pas être allé jusqu’au bout de l’aventure ? 

 

 

Doué Mathias aurait voulu être nommé cema, ou Ministre de la défense. Mais Robert Gueye le nomma Ministre des Sports, afin de casser son emprise sur l’armée. Ce contentieux entre les deux hommes s’ajouta au vieux contentieux des années 90 lorsque Gueye l’avait muté au Japon pour l’éloigner du pays.

 

 

Robert Gueye se méfiait aussi des officiers « proches » de l’ancien premier ministre Ouattara Dramane. Si au début de la transition, Gueye Robert était accusé de « rouler » pour l’homme, plus le temps passait, plus le régime se durcissait envers les partisans de ce dernier.  En fait Robert Gueye (sous l’influence de sa femme selon la rumeur) rêvait de plus en plus à un « destin présidentiel ».  Il ne faisait plus mystère de sa candidature aux élections d’Octobre 2000, pour disait-il « continuer l’œuvre de redressement national entamé en Décembre 1999 », alors qu'au départ il avait affirmé que la politique ne '' l'intéressait pas '' .  

 

 

Dans ce contexte chaotique, personne ne faisait attention au cema Soumaila Diabagaté.  Les choses n’étaient plus à son niveau. Dans les faits, c’était  Robert Gueye le véritable cema. Et il avait si  peu confiance en l’armée que sa garde personnelle était constituée d’une unité de 120 hommes spécialement recrutés (dans des ethnies précises), et aux ordres d’un certain Boka Yapi, un personnage sombre dont le « zèle » était redouté de la population.  

 

 

Une nouvelle mutinerie éclata en Juillet 2000. Les soldats réclamaient le « butin de guerre » qu’aurait promis le Général Gueye, notamment une maison pour chacun.  Gueye réussit à résoudre la crise (qui dura deux jours). Deux mois plus tard, son domicile est attaqué durant une nuit dans une apparente tentative d'assassinat.  Là encore il en réchappe. Mais cette fois c’est l’électrochoc qui le décide à reprendre l’armée en main. Une violente répression se déchaîne envers les partisans de l’ancien premier ministre. On sentait enfin la situation sous-contrôle. Mais ce fut pour une courte durée car la Présidentielle d’Octobre était déjà là.

 

                                                                                                                                

Donné battu par la commission électorale, Robert Gueye refuse sa défaite et se proclame  Président. Le peuple descend  dans les rues. Des combats brefs mais violents éclatent dans la zone d’Akouédo entre les commandos de la gendarmerie et des éléments restés fidèles à Guéi Robert.  L’homme s’enfuit et reconnaît sa défaite une semaine plus tard à Yamoussoukro lors d’une entrevue avec le nouveau Président. Que se serait-il passé si lui, ou le cema  Diabagaté Soumaila, avait eu le temps d’établir solidement leur emprise sur l’armée ? La suite aurait été certainement différente.  Il n’aurait pas aussi « facilement »  abandonné.

 

 

8- Le Général Doué Mathias (Novembre 2000 - Novembre 2004)


 

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Le Général Doué Mathias, cema de 2000 à 2004. Maître d’œuvre des mutineries 

de 1990, 1999, et 2000,  l’homme a usé de malice, de ruse et de malhonnêteté 

durant sa carrière. Incapable d’anticiper le soulèvement militaire de 2002, puis 

de le mâter, Doué montrera ses limites tout au long du conflit en CI.


Le général Gueye Robert reste le visage du coup d’Etat du 24 Décembre 1999 dans la mémoire collective. Mais il s’est toujours défendu d’en être l’instigateur, prétendant « avoir répondu à l’appel des soldats afin que le pays ne sombre pas dans l’anarchie ».  En fait  l’homme aux commandes fut le général Doué Mathias, celui-là qui fut derrière la mutinerie de 1990, et qui fut aussi soupçonné d’être derrière celle de 2000 durant la transition militaire. Impressionnant !


Doué était très populaire à l’époque. Il fut le premier membre du gouvernement à démissionner lorsque Robert Gueye ne voulait pas reconnaître sa défaite. Ce qui accrut encore sa popularité. C’est donc en toute logique que le Président Gbagbo le nomma cema dès sa prise de fonction. Doué Mathias s’est tout d’abord brillamment illustré en mâtant la brève tentative de putsch du 07 Janvier 2001, au cours de laquelle des mutins avaient pris le contrôle de la télévision. Mais ce fut son seul fait d’armes.

 

Doué fut incapable d’anticiper le soulèvement militaire de 2002, et de le mâter par la suite.  L’armée ivoirienne reprit avec difficultés  les camps militaires occupés par les mutins (ou les rebelles si l’on veut) dans la ville d’Abidjan. L’offensive sur Bouaké, leur place-forte, environ deux semaines après le déclenchement de la crise, échoua lamentablement.  Ce fut déplorable car la population avait commencé à fêter la victoire, le soir même de l’offensive, selon les infos communiqués par l'Etat-major.  Des spécialistes intervenus dans les médias ont reproché à Doué d’avoir lancé une offensive en plein jour ce qui est contraire aux règles de base en la matière. Une offensive doit surprendre l’ennemi, ainsi elle se déclenche toujours après minuit. Il n' y avait pas également de couverture aérienne pour traiter les '' points critiques'' au sol, Bouaké étant une immense ville. 

 

Au cours des combats en 2003 et 2004, bien que renforcée en hommes (recrutement de plus de 3 000 soldats supplémentaires), en équipements (aviation, chars, drones, moyens logistiques) et en conseillers occidentaux,  l’armée ivoirienne fut incapable de modifier le cours des choses.   Doué montra ses limites. Visiblement il s’y connaissait en mutinerie, pas en stratégie de combat.

 

En Novembre 2004 l’aviation ivoirienne entrepris un bombardement de la ville de Bouaké. Un ancien camp militaire où stationnaient des « troupes d’interposition » françaises fut touché, on dénombra neuf victimes parmi les soldats français.  En réaction, l’armée française a détruit la quasi-totalité de la flotte ivoirienne.  Mais la raison même de ce bombardement était discutable, car il n’était pas prévu un assaut terrestre de la ville.  Ce bombardement avait pour objectif de détruire les « infrastructures » utilisées par la rébellion, de « saper » le moral des troupes et les amener à « désarmer et à revenir à la table des discussions».  Des objectifs vagues. L’armée ivoirienne n’était pas en capacité de déclencher une offensive terrestre sur la ville même avec une couverture aérienne. C'est dire que même si la flotte ivoirienne n'avait pas été détruite, les bombardements n'allaient pas se traduire par des gains territoriaux. 

 

Après la destruction de la flotte ivoirienne, la population se mit à détruire les biens français.  Durant ces graves évènements, Doué fut incapable de fournir une explication convaincante à sa présence à la résidence de l’ambassadeur de France.  Accusé de comploter contre le régime, en liaison avec les français, il est démis de ses fonctions de cema.  Presqu'aussitôt , il retourne sa veste pour proposer ses services aux « forces nouvelles », il appelle ouvertement au départ du Président sur une radio française de forte audience en Afrique. Ce qui atteste que les soupçons à son égard se justifiaient.

 

Il disparaît ensuite de la scène, tantôt signalé en France, tantôt aux USA. Il réapparaît en 2011 après la crise. On le nomme au Conseil National de Sécurité, mais les nouvelles autorités ont toujours gardé un œil vigilant sur lui jusqu’à son décès en Mars 2017. Doué Mathias a été enterré avec tous les honneurs, et conserve une image assez « lisse » dans la mémoire collective.  Pourtant la ruse et la malice l’ont animé tout au long de sa carrière. Il fut qualifié de ‘’ vaillant fils de la CI ’’ pendant les cérémonies d’hommage. C’est hautement contestable.

 

 

 

9- Le Général Mangou  Philippe (2004-2011)



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Le Général Mangou Philippe, cema de 2004 à 2011. Très populaire   et   grand                                                 stratège, il  fut mis sur la touche peu avant le déclencjement de la crise post                                          électorale, pour avoir « implicitement admis » la défaite  du Président lors de la                                              présidentielle d’Octobre 2010. 


Mangou fut très populaire après les combats de 2004 dans l’Ouest ivoirien, où il avait réussi à contenir l’avancée des « forces nouvelles », qui selon la rumeur « bénéficiaient de l’appui »  de l’armée française.  Mangou s'illustre aussi dans les mystérieux combats de 2005 autour du camp d’Agban à Abidjan, où toujours selon la rumeur le 43ème Bima, serait « directement intervenu ». Mangou Philippe resta longtemps populaire auprès de la population et des troupes. 


Il fut  mis sur la touche au tout début de la crise post-électorale de 2010. Selon la rumeur, il estimait que le Président devait « reconnaître sa défaite ».  Sa fidélité était ainsi remise en cause. Bien que toujours cema, il fut écarté des opérations au profit du Général Dogbo Blé.  Philippe Mangou s’est  réfugié à l’ambassade d’Afrique du Sud jusqu’au terme des combats. Il fut arrêté mais traité avec respect par les nouvelles autorités. Il est aujourd’hui ambassadeur.

 

Mangou est accusé d’avoir trahi l’ancien régime par certains. C’est un jugement un peu sévère. Il faut bien comprendre que lorsqu’il a été mis sur la touche, et écarté du commandement des opérations, il n’a pas déserté pour proposer ses services aux « forces nouvelles » comme l’a fait Doué Mathias, ce qui aurait incontestablement été un acte de trahison. Doué Mathias a sans doute transmis des informations capitales aux Forces nouvelles, qui leur ont été précieuses lors de l'offensive finale lancée pendant la crise post-électorale. 


Mangou fut aussi un témoin à charge dans le procès de l’ex-Président Laurent Gbagbo. Mais son témoignage n’a en rien été décisif , il n'a rien apporté de vraiment compromettant contre l’homme.

 

 

10- Le Général Bakayoko Soumaila (Juillet 2011-Janvier 2017)


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 Le Général Soumaila Bakayoko, cema de 2011 à 2017. Assez respecté, Soumaila                           Bakayoko avait  néanmoins un déficit  d’autorité, d’abord  en tant que cema des                                « Forces Nouvelles », puis cema de l’ensemble de l’armée ivoirienne.



Il était le cema  des « forces nouvelles ». Il est naturellement devenu le cema du pays lorsque les deux armées ont été « réunifiées » en Juin 2011,  après la défaite (il n’y a pas d’autre mots) de l’armée gouvernementale.  Bakayoko Soumaila avait- il une réelle emprise sur l’armée des « forces nouvelles » ?  Cela reste difficile à établir. C’était une armée assez décentralisée,  sans véritablement de commandement central, et  sous l’autorité de fortes-têtes,  les fameux  « com-zone » (Comandant de Zone). Soumaila Bakayoko avait  un rôle plus administratif que militaire. Il avait sans doute été mis là en fonction de son âge, de son grade, et de son caractère consensuel, car il faut bien le dire, les com-zone souvent « se tiraient dessus ».


En Janvier 2017, des mutineries secouèrent l’armée ivoirienne, les soldats réclamaient des avantages sur leurs soldes. Ils ont été en partie satisfaits.  En Juillet de la même année, ce fut le même scénario, ce qui scella le sort de Bakayoko en tant que cema, car il était évident qu’il n’avait plus la maîtrise des évènements.


 

 

11- Le Général Touré Sékou (Janvier 2017-Décembre 2018)

 

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Le Général Touré Sékou, cema de  Janvier 2017  à Décembre 2018.  Inconnu du

grand public, Touré Sékou ne donnait pas l’image d’un homme à poigne. Après                                       une mutinerie et un  mouvement d’humeur des retraités  de l’armée,  l’homme                                       fut remplacé.



Personnage tranquille dans son coin, le général Touré Sékou était assez inconnu du grand public. Il projetait l’image d’un homme « qui ne cherche palabre à personne » comme on le dit en CI.  Mais ce faisant, son autorité réelle sur les troupes était une question qui se posait. On ne sentait pas véritablement sa « poigne », or on doit toujours sentir  la poigne d’une personne qui commande des troupes.

 

Des mouvements d’humeur se sont produits chez les soldats, encore une fois pour des questions de primes, se mettant à tirer à l’intérieur du camp Gallieni au Plateau.  Le gouvernement fut ferme, mais finit par céder en versant une « partie » des primes réclamées, mais aussi en excluant de l’armée et en arrêtant les meneurs. Des indiscrétions plus tard ont fait état que ces primes avaient bien été mis à la disposition de l'Etat-major à l'intention des soldats, mais avaient ensuite « pris une autre direction ».

 

Il s’est aussi produit un autre mouvement d’humeur, concernant  des retraités de l’armée, qui ont bruyamment manifesté à l’Etat-major au Plateau, scellant cette fois le sort de Touré Sékou au poste de cema. Il fut relevé de ses fonctions quelque temps plus tard et nommé ambassadeur au Sénégal.

 

Une mutinerie est toujours fatale au cema en fonction parce qu’elle est la preuve manifeste des failles dans le  commandement, des failles qu'il faut à tout prix corriger.    

 

 

12- Le Général Lassina Doumbia  (28 Décembre 2018)



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Le Général Lassina Doumbia, cema depuis  le 28  Décembre.  Les

choses sont claires pour lui :  sur le plan extérieur il s'agit protéger                                                              les frontières des attaques  djihadistes,  et sur le plan intérieur, il                                                            s'agit de faire échec à tout scénario   '' malien ''.     


                                                                                         

Il était avant de devenir cema, le commandant des forces spéciales, une unité d’élite basée à Yamoussoukro. C’est un homme à poigne, doté d’un certain niveau intellectuel. On le décrit comme très professionnel, concentré, pro-actif et totalement immergé dans son travail. En un mot c’est un « bosseur ». Il a fort à faire en ce moment, car il faut prévenir le scénario malien, et en même temps surveiller les frontières Nord pour empêcher des attaques djihadistes.  Il convient d’être offensif sur ces deux objectifs.  Le travail peut se décliner en trois volées en ce qui concerne le premier objectif. 



Premièrement,  il s’agit de concevoir des plans de riposte pour contenir (et rapidement mater au besoin) une éventuelle mutinerie ou soulèvement.  Deuxièmement, il s’agit d’un travail de pédagogie pour inculquer aux officiers que l’armée n’a pas vocation à intervenir dans le débat politique.  L’armée doit se tenir en dehors de la politique, comme l'a si bien souligné le Général Von Manstein, le plus grand commandant de blindés allemand  de la seconde guerre mondiale,  pour qui «  le soldat doit toujours marcher sur le chemin de la fidélité inconditionnelle à l’Etat ».  La fidélité est une valeur à marteler à l'intention de nos officiers quel que soit le grade. Enfin troisièmement, il faut faire de la prévention par un travail de renseignement visant l’armée elle-même. Il s’agit d’étouffer dans l’œuf tout projet de mutinerie en mettant la main sur les cerveaux de façon préventive. Bien sûr c’est délicat.  Il ne faudra pas encourager la délation au sein des unités, mais mettre en place une  « surveillance pro-active » des officiers vers lesquels convergent des « faisceaux d’indice ».   

DOUGLAS  MOUNTAIN             oeanpremier4@gmail.com



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